Dur dur de débarquer en 94 en faisant du death… En effet, le black prenait alors son envol, après quelques sorties les années précédentes, et les premiers crachouillements de la scène avec le proto-black. Toujours est-il que l’on entend parler de la Norvège dès 93 avec le meurtre d’un certain Øystein Aarseth, Euronymous pour les intimes, par son camarade Christian Vikernes. Le reste de l’histoire, vous la connaissez. Ce qui nous intéresse, c’est plus la scène grecque. Si Rotting Christ avait déjà publié avec Thy Mighty Contract un très bon manifeste de l’art noir, leur album de 94, Non Serviam, n’aura rien à lui envier. Mais en même temps, Septic Flesh, alors toute jeune formation, sort son premier album…
Et si aujourd’hui, ils sont considérés comme l’une des formations extrêmes les plus classieuses, ce n’est pas pour rien. A l’époque, ils n’avaient bien sûr pas les moyens de se payer un philharmonique, mais ils faisaient pourtant très bien sans. De ce fait, leur death peut sembler plus dépouillé, puisque seules quelques interventions du clavier viennent parfois trancher avec l’instrumentation classique du death. Et pourtant… on assiste tout de même à un véritable petit miracle. Sur cette base, qui peut sembler plutôt dépouillée pour qui ne connaît que les disques les plus récents, les Grecs parviennent à distribuer des mélodies exquises et ésotériques, ainsi celles ornant "Mystic Places Of Dawn" ou "Chasing The Chimera". Si sur leurs albums les plus récents, les orchestrations confèrent à leur musique une grandiloquence et une majesté innées, la simplicité échéante, couplée à l’inventivité, permet à l’œuvre de se draper d’un aspect mystique, qu’entretiennent les interventions du clavier.
Le tout est surplombé par ce chant déjà très profond et caverneux qui confère déjà un caractère suranné à l’œuvre. Nonobstant ceci, le côté parfois plus frontal permet de prendre de bonnes décharges de death assez jouissives, comme la furieuse "Return To Carthage" qui blaste monstrueusement à tout va, ou les accélérations brutales de "The Underwater Garden". Car, pour le reste, il faudra plutôt aller chercher dans les terres d’un death doom, propre à l’exposition des airs auxquels il fut fait allusion précédemment. A l’écoute de titres comme "Pale Beauty Of The Past" ou "Crescent Moon", cette relative lenteur semble parfaitement justifiée, et l’ennui ne pointe pas vraiment le bout de son nez. Certains reprocheront toutefois à Mystic Places Of Dawn de traîner un peu en longueur, malgré l'évidente excellence de la plupart des compositions ; ainsi, une outro de 9 minutes tout au clavier, qui rappelle fortement le générique de Tintin par moment, pourra sembler dispensable, un peu comme chez Lykathea Aflame. Mais en dehors de ceci, bonne chance pour trouver quoi que ce soit à redire.
Youplaboum, c’est peut-être moins grandiloquent, et du coup un peu plus long à retenir, mais ça rentre facilement dans la tête, vu le travail énorme sur les mélodies. L’ambiance est entretenue tout du long, et ne retombe pas comme un soufflé, grâce à la constance de l’inspiration, surprenante pour un groupe qui n’avait alors sorti que deux démos et un EP. En bref, les Grecs étonnent par des débuts nettement plus percutants, mais tout aussi réfléchis que leurs efforts plus récents, et qui n’ont rien à leur envier. Diantre, quelle classe.