Tobias Sammet, leader d'Edguy, a été pris d'une frénésie créatrice après la sortie de Theater Of Salvation. Il s'est alors attelé à la réalisation d'un projet qu'il avait en tête depuis sa collaboration avec Timo Tolkki et Hansi Kürsch sur Vain Glory Opera: réunir sur un double album une pléiade de musiciens pour un opéra metal. Avantasia rameute donc de grands noms tels que Markus Grosskopf (Helloween), Alex Holzwarth (Rhapsody), Kai Hansen (Gamma Ray), Sharon Den Adel (Within Temptation), André Matos (Shaman), ou encore un mystérieux Ernie, que l'on aura reconnu dès la première vocalise, à savoir le grand Michael Kiske. Et bien d'autres encore, et que du beau monde.
C'est l'occasion pour Tobi de mettre en scène une histoire quelque peu abracadabrante mais néanmoins intéressante. Jugez plutôt: Mayence, XVII ème siècle, Gabriel, jeune moine, tombe une nuit sur un mystérieux livre que son tuteur Jakob semble craindre; lequel livre se révèlera être en réalité l'un des sept portails vers l'autre monde, Avantasia, un monde d'imagination, de connivence avec la hiérarchie ecclésiastique, qui tire les ficelles, et tient finalement le peuple en quasi-esclavage intellectuel. Ce n'est là qu'un ébauche rapide, vous y trouverez bien entendu un tas de péripéties et de rebondissements. Au-delà de la simple histoire heroic-fantasy, prenante mais peu originale, c'est bien sûr à un niveau de lecture supérieur qu'il faut appréhender Avantasia; des titres comme "Tears Of A Mandrake" ou "Babylon" entre autres, chez Edguy, témoignaient déjà de l'intérêt de Tobias pour cette fameuse théorie "du complot", des peuples asservis à la consommation de masse, aliénante, rendus incapables d'accéder par eux-mêmes à une certaine forme d'indépendance, et partant, au bonheur. L'aliénation de l'homme par l'homme. La négation de la condition humaine. Voilà ce qui se cache derrière Avantasia, l'endroit où l'esprit recouvre sa puissance.
Musicalement, on est bien sûr tout proche d'Edguy. Tobias a davantage peaufiné les orchestrations, mais cela ne trompera personne. Il s'agit donc d'un heavy-speed très mélodique, aux refrains catchy, mais interprété pour l'occasion par les plus grands. Premier constat, compréhensible mais regrettable, Tobias a tendance à se mettre un peu trop en valeur, et limite le rôle de ses prestigieux invités à de simples apparitions sporadiques. Nous nous garderons d'émettre tout jugement, ne sachant rien des conditions de disponibilité des différents vocalistes. Mais cela aurait pu nous éviter d'éprouver le désagréable sentiment que Tobias, s'échappant d'Edguy, ne fait finalement rien d'autre que du Edguy. Enfin on ne se refait pas, comme dit l'autre. Heureusement, c'est de la bonne came : "Reach Out For The Light" et "The Tower" sont illuminés par la classe de Michael Kiske, qui n'a rien perdu de sa verve; "Sign Of The Cross" est le lieu d'un réel échange entre les participants, et c'est tout simplement génial!
"Serpents In Paradise" donne à David Defeis (Virgin Steele) l'occasion de venir beugler un peu, avant un break à plusieurs voix du tonnerre. Les ballades "Farewell" et "Inside", pourtant pas nécessairement le point fort de Tobi en terme de composition, sont également plutôt bonnes, même si la fin de la première rappelle furieusement "Land Of The Miracle" et si la deuxième se conclut par une envolée vocale catastrophique. "Breaking Away" et "Avantasia" donnent eux dans le mid-tempo hymnesque, alors que "The Glory Of Rome" se veut plus agressif. Le tout est ponctué de transitions orchestrales fort jolies, très soignées, où Tobias nous apprend qu'il sait bien imiter la sorcière ("Malleus Maleficarum")... Bref, pas grand chose à dire en terme de qualité. Les amateurs d'Edguy ne pourront qu'apprécier. La guitare d'Henjo Richter (Gamma Ray) est expressive et brille spécialement sur "Farewell" et "Sign Of The Cross". La section rythmique composée par Holzwarth et Grosskopf est fichtrement solide, on a bien affaire à des musiciens expérimentés. Il est difficile d'objecter un quelconque reproche à ces morceaux.
Le regret principal? Comme dit précédemment, on aurait aimé avoir plus de Sharon Den Adel, plus de Oliver Hartmann, plus de Ralf Zdiarstek, plus de Bob Rock... Plus de Timo Tolkki (le pauvre n'a droit qu'à une partie de narration dans "The Tower", et même s'il fait super bien la Tour (sic...), un petit solo néo-classique à 220 mph par-ci par-là aurait été fort apprécié!). Heureusement, le part II nous permettra de retrouver tout ce beau petit monde, dans la joie et l'allégresse...