Therion -
Symphony Masses: Ho Drakon Ho Megas
Elle est quand même chouette, l'année 1993. A cette époque, tout est encore old-school. Tout est mieux. Tout va bien. Les papes du metal symphoniques, Therion, ne sont pas encore devenus ce qu'ils sont aujourd'hui. Le grand guignol, pour la bande de Johnsson, ce n'est pas encore d'actualité. Au contraire, en avril 1993, Therion délivre Symphony Masses : Ho Drakon Ho Megas. Cet album succède aux deux premiers opus du groupe, Of Darkness... et Beyond Sanctorum qui œuvraient dans un death metal traditionnel pur jus. Sur Symphony Masses, le death commence à s'estomper. Les angles s'arrondissent pour la première fois.
Les deux premiers albums de Therion, c'était du sérieux. Ça bastonnait. Ça grognait. Ça partait un peu dans tous les sens. Clairement, ça n'était pas content et ça ferait aujourd'hui peur au fan de la dernière heure. Sur Symphony Masses, les bases death sont toujours là, et ce dès le morceau d'accroche, qui, du haut de ses 2 minutes 13 secondes, secoue l'auditeur : un morceau court et efficace pour un album qui l'est tout autant. D'une manière générale, le tempo de l'album est rapide. Les cavalcades en mid-tempo et palm-mute sont encore rares. Un titre comme "Dawn of Perishness", par exemple, se voit gratifié d'un riff d'obédience thrash. Et boum, on en prend plein la tronche. Sur "Black Rose", c'est le death à l'état brut qui domine. Bref, sur le fond, ça bastonne. Et si ces riffs à l'ancienne ne vous suffisent pas, la batterie est là pour appuyer le coté extrême du groupe. Les cassures de rythmes sont fréquentes et moins confuses que sur les deux premiers opus (grosse avancée !) tandis que la double pédale pointe régulièrement le bout de son nez.
Par ailleurs, ce qui est bien avec cet album, et plus généralement avec les albums du début des années 90, c'est qu'ils ont une âme, un esprit désormais envolé et quasiment introuvable. Ces albums sont l'instantané d'une époque. Comment retrouver le groove d'un riff tel que celui de "Procreation of Eternity" ? Lecteurs figés dans le temps, vous retrouverez ici ce qui faisait une partie du charme de ces fastes années : une production très crasseuse, caverneuse. Vous retrouverez également une voix éraillée, une batterie non-triggée, un basse ronde au jeu ma foi très audible (quelle drôle de sensation, en 2012 !). Bref, vous qui fûtes ado en 1993 et qui n'aviez guère succombé aux sirènes du grunge, vous allez vous régaler. Les défauts des deux premiers opus ont en partie disparu. Tout est plus compréhensible et l'album ne fait pas mal à la tête une fois la dernière piste achevée. Finalement, la musique est plus structurée. Riche, elle reste abordable. L'album ne souffre d'ailleurs pas de réels défauts et sa courte durée (environ 37 minutes) ne laisse pas le temps de se lasser.
Historiquement, cet album est important. Pour le voir, il suffit de constater les différences tant avec ce qui l'a précédé qu'avec ce qui suivra. Entre un death metal old-school et un flonflon parfois pompeux, Symphony Masses marque avec Lepacca Kliffoth et Theli, une importante période de transition pour le groupe. Sur Symphony Masses n'apparaissent encore ni le chant féminin, ni les chœurs chers au groupe mais, en revanche, le clavier, lui, arrive en grande pompe. Grâce à lui, l'album acquiert une facette occulte et mystérieuse, à l'image de sa pochette. Occulte, Therion l'est. En effet, son leader Christoffer Johnsson est, à l'époque, déjà membre de l'Ordre du Dragon Rouge, un ordre secret prêt à vous initier aux mystère de la magie de la Main Gauche pour 40 € réglés par chèque. Youpi, c'est l'heure du rituel. Bref, moutons, retour, tout ça, il est inutile de citer un morceau en particulier tant tous sont traversés par ces sonorités mystérieuses et cabalistiques (allez, citons quand même "The Ritual Dance of the Yezidis").
Symphony Masses: Ho Drakon Ho Megas, contrairement à Theli -album de la révélation- a encore les deux pieds dans le death. En hérétique du courant death (cf, sur ce même webzine, le dossier consacré au sujet par l'éminent Winter), Therion commence toutefois à affirmer son identité. Celle-ci sera magique, rituelle et drapée dans l'ésotérisme. Toi, nostalgique des années 90, toi qui ne connait que les dernières œuvres du groupe ou toi qui ne jure que par le death old-school mais qui accepte une dose de clavier dans son death, écoute Symphony Masses.