Depuis la nuit des temps, l’Homme s’est fait un devoir de bouffer des trucs particulièrement riches, gras même on pourrait dire, pendant les fêtes de Noël. C’est ainsi que dès l’âge de pierre, nos ancêtres fêtaient la naissance à venir de Jésus en se tapant du foie gras de mammouth, accompagné de petits rongeurs en gelée. Aussi, pour ne pas perturber cette tradition millénaire, j’ai décidé aujourd’hui de m’intéresser à l’avant-dernière offrande de Zakk Wylde et de son Black Label Society: The Blessed Hellride. Zakk Wylde n’étant pas réputé pour la finesse et la légèreté toute printanière de ses productions (quoique, chez Ozzy…), rien ne me semblait donc plus approprié que cet album-ci. A déguster entre deux tranches de saumon, pendant la remise des cadeaux…
En 2003, Zakk, qui sillonne les routes all over ze world pour le compte d’Ozzy depuis presque un an et demi, décide de rentrer dans son Texas natal afin d’y enregistrer le quatrième album du Black Label Society, sa chose. C’était une bonne idée, parce que franchement, son prédécesseur, 1919 Eternal, n’avait pas laissé que des bons souvenirs. Ho je ne cherche pas non plus à dire qu’il y avait là matière à se tirer une balle dans le genou, mais bon, cet album puait le bâclage à un kilomètre et ça, c’est vexant de la part d’un type capable d’aligner des bombes telles que Sonic Brew ou Stronger Than Death. Mais ceci fera l’objet d’une leçon ultérieure…
En tout cas, force est de constater ici que Zakk a repris ici de bonnes habitudes. Les riffs et autres refrains en tout genre qui parsèment l’album font de nouveau mouche, à l’image de ceux des dansants "Stoned And Drunk " et "Stillborn", tout à fait à même de vous envoyer vous jeter contre le premier mur venu. Les solos, véritable institution dans le jeu de Zakk (il faut dire que vu son niveau technique, ce serait dommage de s’en priver), retrouvent un peu de leur panache d’antan, et ne tournent plus en rond comme c’était le cas sur 1919 Eternal. Bien sûr, les fans de Steve Vai (ou d’autres shredders de ce calibre) qui liront çà ne manqueront pas de se poiler en y réfléchissant dix secondes mais que voulez vous, le BLS, c’est pas fait pour les cérébraux.
Le BLS, c’est la force de l’habitude, la sérénité dans la continuité. Un son de gratte, toujours le même, un solo en penta bien brouillon et bien speed pour impressionner les gonzesses du drive-in, et si possible toujours coincé entre l’avant-dernier et le dernier couplet, avec le riff principal qui tourne par-dessus (il faut bien justifier la présence d’un deuxième guitariste sur scène). Vous saupoudrez le tout de vocaux bien virils (imaginez deux rugbymen qui chantent d’une voix chaude et grasse dans les douches après l’entraînement), des lyrics pas vraiment subtils, en tout cas assez éloignés (dans une optique stylistique j’entend) du prix Goncourt, et vous voilà en présence d’un bon vieux heavy-rock burné des familles, un véritable morceau d’Amérique, qui se savoure dans une Cadillac décapotée, un Jack Daniel’s en main, quelque part entre Phoenix et Dallas. Vous apprécierez au passage cette belle succession de clichés.
Je n’hésiterais à mentionner enfin, pour vraiment faire le tour du propriétaire, les inévitables ballades, toujours aussi uniques, poignantes et viriles à la fois, qui raviront les fans du Titanic. C’est qu’il sait y faire le gaillard, pour faire fondre votre cœur de routier. Quelques accords non saturés (pour plus de finesse je pense) sur "The Blessed Hellride", un p’tit solo bluesy pour vous convaincre d’enlever vos vêtements, et la chose est emballée. Si vraiment vous venez de vous enfiler un Slayer juste avant, et que vous n’êtes par conséquent pas prédisposés à la sensiblerie, n’hésitez pas à passer directement à "Dead Meadow" et à ses accords de piano, terriblement romantiques. Là, c’est la crise de larmes assurée.
Quoiqu’il en soit, voilà un bon album de Zakk Wylde. Les métalleux, qui de nos jours préfèrent bouffer du Nightwish ou du Within Temptation à longueur de journée, triste époque, passeront à côté sans même lui jeter un regard, et je ne leur en tiendrais pas rigueur. Il faut dire que le Black Label Society n’est pas taillé pour faire de la vente de masse, mais sa démarche est sincère et authentique, et c’est bien ça qui compte. Les connaisseurs peuvent rajouter un ou deux points à la note sans problème.