Tiens donc, un DVD. On ne compte plus le nombre de groupes de métal qui nous ont balancé des trucs infâmes et laids sous couvert de se convertir à la nouvelle technologie, on a même vu des groupes (Slipknot, Queensryÿche…) nous ressortir en DVD une VHS sortie auparavant sans rien ajouter ou presque. Heureusement que Music For Nations et Paradise Lost sont là pour relever le niveau, car Evolve est un bien bon produit (il y a même un livret!), qui permettra aux fans des deux époques d'en avoir pour leur argent.
Evoluer, donc. Ce titre colle parfaitement au contenu, vu que la période traitée couvre les albums Shades Of God, Icon, Draconian Times et enfin One Second. Et Dieu sait que la musique des anglais a changé durant cette période ! Evolve se propose de couvrir ce cheminement, et pour ce faire nous offre la totale des clips des quatre albums (neuf donc), une vidéo maison du groupe et surtout deux lives : sept titres d'un concert de 1993 à Stuttgart, tournée Icon, et un très long set (dix-huit titres!) de la tournée One Second ayant eu lieu en 1998 à Londres.
Entre 1993 et 1998, Paradise Lost a changé de batteur et de style. Le concert de Stuttgart nous montre le groupe dans sa période gros métalleux. Le grain de l'image, l'attitude du groupe et du public, les éclairages, les angles de caméra, tout concourt à une ambiance "underground" pas désagréable du tout: ça headbangue, ça slamme, ça crie, et on sentirait presque la sueur en suspension. Le concert de métal classique, quoi. Et la musique ne pardonne pas: le son est excellent, tous les instruments ressortent clairement, et le chant éructé de Nick Holmes, qui harangue la foule, passe fort bien même s'il n'est pas toujours précis... Mais vu qu'il hurle, ça ne pose pas de problème. Le concert est malheureusement coupé (Music For Nations a viré les titres des albums sortis chez Peaceville), mais ce live représente pour moi une excellente introduction au métal gothique old-school tel que les gars du Yorkshire le pratiquaient à cette époque. La formule gros-accords sur fond de mélodie simple de guitare de Greg Mackintosh est très efficace, les musiciens soudés et charismatiques, enfin bref c'est un bon live quoique trop court.
L'ambiance tranche nettement avec le concert "One Second Live" : ici les musiciens sont "proprets", avec ces cheveux courts qui ont fait beugler les imbéciles, et le tout fait beaucoup plus aseptisé. Niveau zicos, c'est le bassiste Steve Edmonson qui est le plus décalé d'un concert à l'autre: lui qui passait son temps à secouer sa crinière est tout statique au centre de la scène, (l'air) complètement défoncé. Les compos de One Second passent à mon sens très bien le cap du live, gagnant en pêche sans perdre en profondeur, à l'image de "Say Just Words". On s'aperçoit également que le changement musical du groupe est plus de l'ordre du son de guitare de Greg Mackintosh et des arrangements, car la formule de base n'a pas tant changé que ça… La structure des nouveaux titres rappelle celle des anciens, l'agressivité en moins.
Les anciens titres, quant à eux, sont joués avec un son de guitare lead beaucoup plus pop, et ça ne (me) choque pas. Par contre, Nick Holmes est réellement limite en chant clair par moments, et le décalage avec l'album est gênant. On s'aperçoit vite qu'il n'est à l'aise que dans les graves, et que monter sans gueuler représente pour lui un réel effort, comme sur "Mercy" où on a mal pour lui. Les titres de Draconian Times sont bien chantés, "Hallowed Land" et "Forever Failure" en tête (forcément, quand on crie…), mais Holmes massacre allègrement une excellente compo comme "One Second", sur laquelle il est incapable de poser sa voix avec précision. Le reste du groupe assure comme à son habitude, et Holmes ne chante pas suffisamment mal pour gâcher la performance de ses camarades, rassurez-vous, c'est par moments. Ce concert présente également une curiosité intéressante, à savoir la présence de "As I Die", présente sur l'autre live version période Shades of Gods, et jouée ici avec ce son si particulier et un chant légèrement moins agressif. La comparaison des deux versions pourrait donner lieu à d'amusantes discussions dans le forum…
Un mot sur le reste du DVD: les clips sont assez anecdotiques, c'est une bonne galerie de clichés du clip métal, avec le groupe qui joue en concert, le groupe qui joue dans la forêt, dans la maison vide, dans une flaque d'eau sous la pluie, en surimpression avec une femme échevelée qui court, etc, etc. Le seul qui sort un peu du lot est celui de "Forever Failure", tourné dans un noir et blanc magnifique qui donne une image léchée, très pro, et qui dégage une sorte de mélancolie malsaine très appropriée au morceau. Les home vidéos nous montrent le groupe en tournée, à Donington, et en studio pour enregistrer One Second. Là encore, quelques moments rigolos mais rien de transcendant ni de réelle interview. Je vous souhaite d'ailleurs bon courage pour essayer de comprendre les musiciens quand ils parlent à cause de leur incroyable accent du Yorkshire : Greg Mackintosh semble parler une langue inconnue des humains, et je dois sérieusement m'accrocher pour comprendre les passages rigolards autour du feu intercalés entre les titres du premier live (pour l'anecdote, je suis prof d'Anglais).
Pour conclure, Evolve remplit parfaitement sa fonction, à savoir se dresser en panorama d'une époque donnée de l'un des groupes les plus surprenants de sa génération. L'évolution de Paradise Lost, qui a progressivement abandonné son style doom/death de l'époque Peaceville pour tendre de plus en plus vers le gothique (et donc les structures pop), apparaît plus logique grâce à ce DVD. En attendant la sortie d'un live du groupe, je conseille très fortement aux fans de se le procurer. Sauf si One Second vous fait vomir, évidemment.