Petite question du quizz du métalleux : quel est le point commun entre Machine Head et Paradise Lost ? Oui, j'admets, pas évident a priori. Et bien, c'est d'avoir sorti un album qui fâche au moment précis où ils commençaient à décoller sérieusement. Et d'avoir créé une grosse polémique. Celle entourant One Second a été assez énorme, Paradise Lost ayant tout de même sorti pas mal d'albums estimés avant l'explosion Draconian Times. C'était un véritable virage de carrière, de la part d'un groupe qui avait créé son style.
Ah ça, c'est sûr que tout le monde n'a pas adhéré d'entrée. Ca a été dit, ce qui saute immédiatement aux oreilles, c'est la voix. Que du chant clair, imaginez-vous donc. Et le son, pop-rock à tendance new-wave. Oui, One Second, les mêmes que dans "As I Die". Donc à première écoute, les fans désorientés en ont déduit que Paradise Lost avait viré commercial(l'Insulte Suprême, rappelons-nous), et ont en grande partie conchié l'album. Il faut avouer que oui, c'est bien pop. Pas encore au point de l'album suivant, Host, mais on est déjà très éloigné du métal.
Donc, Holmes ne beugle plus. Plus jamais. Et bien, ça passe fort bien. On connaît ses peines en live, mais sur album, il fait preuve d'un registre mine de rien assez étendu, et son timbre est agréable. Quant au reste, le travail sur le son est d'une qualité hallucinante. Presque plus de passages en bonne vieille gratte saturée, mais des couches de guitares à effet et de clavier qui enveloppent le voix du chanteur. La variété sonore de l'album vaut qu'on la mentionne, et les compos jouent systématiquement la carte de l'ambiance, avec succès. On note que Lee Morris était quand même vraiment doué, aussi à l'aise dans un registre plus fin que dans les grosses parties métal qu'il sortait avant. Les compos sont autant de pièces donnant dans les émotions tristes, mélancoliques ou mystérieuses, ce qui nous permet de nous rappeler que Paradise Lost est quand même toujours un groupe gothique. Et si on s'intéresse un peu à leurs structures et à la manières dont elles sont pensées, on se retrouve devant une évidence : Paradise Lost n'a pas réellement changé de formule.
Je m'explique. Le changement sonore (prod'+voix) est tellement violent qu'il classe le groupe dans la pop-rock par moment, mais Gregor Mackintosh continue de faire ce qu'il a toujours fait, à savoir mettre des mélodies sur des accords. Dans sa chronique, -the lord évoquait les mélodies simplistes au piano. Oui, on peut les jouer avec un doigt, mais Paradise Lost n'a jamais donné dans la mélodie complexe de toutes façons. Le principe a été exploré de fond en comble par le sieur Mackintosh : je trouve une mélodie et je mets des accords derrière, ou alors je trouve des accords et je greffe une mélodie dessus. Même ses soli sont des mélodies, c'est son truc.
Prenez n'importe quelle mélodie d'un album précédent, jouez-la sur un piano, ça vous surprendra ! Donc ce qui a changé, c'est le son. Et le chant. Okay, ça faisait beaucoup d'un coup. Mais les compos de One Second sont pour la plupart des bijoux de mélodie, de ces chansons qui posent une atmosphère instantanément, en quelques touches, comme le couplet de "This Cold Life", et je cite un exemple pour la forme. Mettez n'importe quelle plage, à part peut être "Soul Courageous" qui n'est pas mal mais plus orientée heavy, et vous verrez… Titre après titre on se retrouve devant cette magie de la chanson merveilleusement écrite, qui fait décoller, qui pose, qui inquiète ou qui rend contemplatif. C'est… Comment dire… C'est beau!! C'est de l'art, du vrai.
La mélodie, on sait pas comment ça fonctionne, même dans les sciences de la musique. Il y a heureusement une part de la zique qui ne sera jamais analysable, en particulier pourquoi telle mélodie sur tels accords est belle. Ca s'appelle le talent, je crois.
One Second a été accueilli triomphalement par une bonne partie de la presse non-spécialisée car ils ont abordé l'album sans préjugés ; c'est d'ailleurs ce qui m'est arrivé car j'ai découvert Paradise Lost avec cet album. Et aujourd'hui encore plus qu'avant, avec le recul, il m'apparaît comme un album majeur dans son genre… A savoir pas trop défini, entre la pop, le rock, la new-wave, le métal et le gothique. Mais quand les chansons sont bonnes, l'étiquette, honnêtement, est-ce qu'on s'en soucie ? A écouter et réécouter. Et réécouter. Et réécouter…