-Moi ? Vous n’y pensez pas sérieusement ! Avec ma chro de Viva Emptiness, je me suis fait déjà suffisamment d’amis... Pas plus tard que ce matin il y avait encore un corbeau cloué à ma porte… Alors si, en plus, je dois noter Draconian Times, c’est ma fin !
-On ne peut pas ne pas le chroniquer…
-Mais je vais me faire séquestrer par des fans hardcore de Nick, qui vont m’obliger à écouter Tragic Idol en boucle ! Ou pire : Faith Divides Us ! Ils sont cruels, vous savez !
-Ça, ça ne dépend que de vous. Vous mettez une bonne note et tout est réglé… Un petit 18 et tout le monde sera content… J’oublie même cette petite histoire de battle trafiquée… vous me suivez ?
-Non.
Juillet 1995.
-Ah ça y est, tu l’as acheté ? En K7 ?
-Oui… j’ai pas confiance… déjà
Icon…
Une écoute plus tard.
-Tu vois je te l’avais dit… c’est de la merde… de la musique d’inverti… Et le chant putain… quel truc de
pussies… Où est mon
Paradise Lost de
Gothic et
Shades of God ? Quarante balles de foutues à la poubelle !
-Ouaip. Allez, remets
Samael ! Yeah !
Intoooo the PEN-tagram !
Quelque part en 2005. Après, une longue période d’abstinence, j’écoute par hasard "Enchantment" et me dis que finalement, j’ai peut-être muri. Du coup, je persévère. Et tout change ! Les « mièvreries » sont devenues de superbes arrangements. "Hallowed Land" me conforte dans l’idée que les fans talibans des débuts du groupe sont tous de gros abrutis et que, putain, un tel alliage de puissance et mélodie, on n’en écoute pas tous les jours. Je commence donc à maudire ma bêtise d’antan et louer mon changement de perspective. Et jusqu’à "Forever Failure" inclus, je me dis que la majorité a raison. Draconian Times est bien un joyau. "The Last Time" ne possède pas le refrain le plus captivant du monde, mais ça n’est pas grave. Un joyau, on a dit ! "Enchantment" est la meilleure entrée en matière du groupe. Le rythme chaloupé d’ "Hallowed Land" est un must et, sur "Forever Failure", la voix rauque de Nick filerait la chair de poule à un centriste. Tout est si fluide… Et puis arrive "Once Solemn". « Ah tiens, c’est marrant, pourquoi ils ont changé le nom de "Pity The Sadness" ? Parce que c’est la même. En moins bien… » Premiers doutes, que la suite ne fera que confirmer. Envolée la créativité magique, bienvenue dans le monde du Paradise Lost que je trouve un tantinet pénible. Enchaînements plus hasardeux, breaks déroutants (pas en bien), et la version de Nick qui m’agace plus que tout. Lorsqu’il se met à vouloir passer en force. Non, finalement, la majorité n’a pas raison. Alors bien sûr, certains passages d’"Elusive Curse" sont magnifiques, "Shades of God" se laisse bien écouter (encore heureux, avec un nom pareil !) et globalement, tous les titres ont de beaux moments. Las, le fil invisible avec lequel étaient cousus les premiers titres de l’œuvre ont été changés par de la surpiqûre orange, façon jeans de Raymond Barre (humour non valide pour les moins de quarante ans). Quel dommage… Les fans hardcore des premiers Paradise Lost ? Des gens bien.
Avec Draconian Times, Paradise Lost a composé les plus belles 18m46s de sa carrière, le temps de quatre premiers titres qui font d’eux une légende du doom. Et puis blam. Le groupe avait dû épuiser ses réserves de fluidité. Les deux-tiers suivants proposent du metal acceptable mais forcé. C’est gênant. Et là où il y a de la gêne…