Les chasseurs royaux sont de retour. Et, semble-t-il, leur partie de chasse fut giboyeuse puisqu’ils ramènent dans leur gabardine rien moins que Mark Boals, chanteur émérite chez (entre autres) Malmsteen et Ring of Fire. Quant on connaît le gus, on se dit bien vite qu’il n’y a pas de quoi paniquer : il prendra sans peine la relève technique de John West, parti voir sous d’autres latitudes s'il y était. Et quand on apprend que ce nouvel album est une suite du mythique Paradox (1997), on hésite entre réjouissance et scepticisme. Oubliez vos sourcils froncés, et sabrez plutôt le champagne : le festin de ce soir sera abondant.
Abondant, et surtout tout à fait succulent. Après un Paper Blood pêchu mais inégal, Royal Hunt et son leader Andre Andersen amorcent virage à 180° pour revenir vers des contrées plus axées sur le mélange néoclassique/progressif, moins agressif mais plus intéressant que ses précédentes productions, malgré leurs qualités indéniables – l’excellent The Mission, par exemple. Onze ans après la sortie de Paradox, Royal Hunt revient donc vers son plus grand succès – du moins l’album le plus estimé par ses fans – pour en proposer une suite. Et de suite, Collision Course… Paradox 2 n’en a pas que le mot : il en a bien aussi la saveur. Si on oublie les reprises musicales des thèmes de l’opus de 97 qui parsèment - sans être envahissantes - les différents titres de cet album, on retrouve une atmosphère et une approche très proche de celle de l’original. De ce point de vue là, c’est donc réussi : l’aspect nostalgie jouera pour ceux qui avaient connu Paradox et Andersen a réussi à reprendre ce qui en avait fait le succès malgré les changements de line-up qui eurent lieu depuis.
L’album commence sans grande surprise sur une reprise du thème d’ouverture de "The Awakening" (qui ouvrait l'album de 97) mais ne s’apesantit pas dessus : on retrouvera çà et là des clins d’œil que les connaisseurs apprécieront et que les autres ne remarqueront pas, ne se sentant ainsi pas rabaissés par des références qu’il ne comprennent pas. Et c’est là une partie du secret de la réussite de ce Collision Course… Paradox 2 : faire une réactualisation de l’atmosphère, de la production et des thèmes de l’album Paradox pour proposer un matériel tout à fait neuf et original qui ne trahit pas l’esprit de 97. Les premiers titres sont à cet effet particulièrement édifiants, avec "Principles of Paradox", qui fait figure de grosse introduction, "Exit Wound" avec son intro à l’accordéon et son atmosphère mélancolique, suivie par "Divide and Reign", titre le plus violent de l’album avec – une fois n’est pas coutume chez Royal Hunt – une double grosse caisse à fond les ballons, titre taillé pour la scène. Pas besoin d’en écouter beaucoup plus pour être convaincu d’une chose : Mark Boals colle parfaitement à la musique de Royal Hunt. De la même manière que John West avait parfaitement collé à l’atmosphère de The Mission, Boals semble être ici comme s’il y avait toujours été, expressif et investi.
Dans les grandes lignes, bien sur, Royal Hunt ne change pas : on reste toujours dans un heavy-metal néoclassique fortement teinté de hard-rock/AOR, avec cette production qui met clairement en avant synthé et chant, et cette batterie débordant de réverb’ pour le bonheur des fans des années 80’. De même, les patterns de guitares ne changent pas vraiment, Marcus Jidell qui succède depuis Paper Blood à Jacob Kjaer s’étant parfaitement adapté à la volonté du seul maître à bord après Dieu – et encore -, Andre Andersen. La suite de l’album se veut un poil plus inégale avec "High Noon at the Battlefield" et ses accents vaguement typés Bon Jovi et les plus classiques "The Clan" et "Blood In Blood Out", mais réserve encore de très bons moments avec "Tears of the Sun" ou "Hostile Breed". Les titres s’enchaînent tous les uns aux autres sans silence, de façons parfois un peu artificielle, mais on reste toutefois dans la ligne artistique introduite par Paradox. Il émane de Collision Course… Paradox 2 une certaine mélancolie, l’album se colorant d’accents tragiques mis en valeur par le timbre chaud et caractéristique de Mark Boals, épaulé par des choristes (dont Doogie White, Ian Parry et Henrik Brockmann, chanteur du groupe à ses débuts) et des instruments plus traditionnels qui apparaissent ici et là, même si on est très loin d’un album qu’on aurait pu qualifier d’orchestral.
À défaut d’être surprenant, cet album de Royal Hunt pourra réconcilier les fans perdus après le départ de DC Cooper avec le groupe d’Andre Andersen. Royal Hunt ne change pas sa recette de façon radicale mais affine intelligemment son trait, parvient à varier le propos tout en gardant ce qui fait l’originalité du groupe, cette patte si caractéristique qui provoque en général assez vite l’adhésion ou la répulsion. Collision Course… Paradox 2 est donc indéniablement une réussite et parvient à démontrer que si une suite ne sera que très rarement aussi bonne que l’originale, elle peut à tout le moins s’en approcher qualitativement de près.