Au vu de la couverture de ce nouvel album, on aurait envie de se risquer à dire que Royal Hunt c’est fini, et que dorénavant, il faudra parler de Royal Fish. Car le voyage que nous proposent les Danois pour ce dixième opus ne nous fera pas passer à travers de giboyeuses forets, mais plutôt par une mer poissonneuse et riche, où les vagues apportent le contraste et le vent la fraicheur. Toujours seul maitre à bord après Dieu, Andre Andersen ne change rien à sa recette, sinon en lui apportant de micro améliorations, de menus arrangements voire de légères innovations, sans jamais sacrifier à sa sacro-sainte vision qui perdure depuis maintenant bientôt 20 ans.
Donc, vous trouverez sur X en quantité variables toujours autant de mélodies, d’arpèges, de solos et d’envolées lyriques, servis par des musiciens ayant pour la majorité fais leur preuve par le passé. Le line-up est stable dans le groupe, si ce n’est Per Shelander parti triturer la quatre-corde chez Pain Of Salvation, remplacé par Andreas Passmark (ex-Narnia). Ce changement de line-up, s’il n’est en rien déterminant pour l’identité de Royal Hunt, permet de mettre un petit coup de projecteur sur la basse, traditionnellement ignorée par Andersen. Ici, elle prend plus de place, se veut plus indépendante et plus présente, ce qui dans l’univers du métal est toujours un plus. Pour autant, l’univers sonore du groupe ne change pas vraiment, avec des sonorités toujours légèrement rétro, voire presque 70’ par moment (l’orgue hammond de "Army Of Slaves", par exemple), une guitare bien heavy et du chant lyrique – assuré une fois de plus par le maitre Mark Boals – accompagné de chœurs féminins toujours aussi intelligemment utilisés. En gros, nulle révolution n’est en vue, Royal Hunt propose là un album réussi, maitrisé et élégant, sans pour autant que ça soit un chef-d’œuvre.
Pas la peine de faire un track-by-track, un album de Royal Hunt s’apprécie dans sa globalité. A ce sujet, on peut donc remarquer sur X que tout en respectant son cahier des charges habituel, Royal Hunt se veut plus calme, plus posé et moins sombre que sur Collision Course. La double pédale n’est que rarement utilisée et Andersen n’hésite pas à varier les ambiances plus légères, comme "The Last Leaf" et son piano, le côté hard FM de "Back To Square One" et de "Army Of Slaves", ou encore les parties quasiment folk qui ouvrent "Shadowman". Royal Hunt se montre ici plus posé - presque plus sur de lui, pourrait-on dire. Allant directement à l’essentiel, sans pour autant s’interdire de savantes et progressives digressions (les imposantes introductions de "Blood Red Stars" et de "The Well"), Royal Hunt est acéré, inspiré et parvient à en imposer sans en rajouter des caisses. L’expérience des membres du groupe est palpable, particulièrement chez Andersen qui mieux que jamais utilise ses sons de claviers à bon escient, et chez Mark Boals, toujours aussi impérial. Malgré tout, si dans les formes X a tout de l’album sans défaut, il est également dans le fond sans réelle excellence.
Chaque titre que compose X fonctionne, à sa manière, mais sans jamais que l’auditeur ne se lève brusquement pour crier au génie. Il y a bien quelques passages bien sentis (les «hey hey hey» de "Falling Down", par exemple) mais le plus souvent, si l’appréciation reste tout à fait positive au fil des écoutes, il est plus difficile de se laisser entrainer comme c’était le cas sur Collision Course. Certes, les titres les plus classiques (comprendre : les plus typiquement Royal Huntiens), "Blood Red Stars" et ses accents tragiques et "King For A Day", qui aurait presque pu être composé pour The Mission en 2001, sont d’indéniables réussites, il n’en ressort pas de passages réellement enthousiasmants – sauf peut-être l’introduction a capella qui ouvre "Blood Red Stars", avec un petit côté gospel que l’on retrouve de temps à autre chez Royal Hunt. Finalement, la réponse se trouve peut-être dans la track-list de l’album. Plutôt que de nous emmener en voyage, Royal Hunt nous propose plus une escale, comme le suggère l’ordre du premier et du dernier titre : au lieu de partir pour revenir comme lors d’un voyage en mer, ici on arrive puis on repart, tels les marins exténués cherchant un peu de confort et de quiétude au port.
Confortable, élégant et équilibré : voila trois caractéristiques qui décrivent efficacement X. On aurait aimé lui ajouter « génial », mais il manque à cet album un je-ne-sais-quoi à l’ensemble (ou plutôt, aux détails) pour pouvoir briller de mille feux. Pour autant, que l’amateur de Royal Hunt ou plus simplement de hard-rock/heavy ne boude pas son plaisir : X est à placer dans le haut du panier pour les albums de ce style – ce que savait de toute façon tout fan de Royal Hunt avant d’avoir écouter l’album…