Royal Hunt est de retour en grandes pompes avec un album plus heavy qu'à l'accoutumée, mais néanmoins toujours aussi centré sur le jeu de claviers caractéristique de son compositeur en chef, André Andersen. Si vous n'êtes donc pas adepte du shredding et des soli interminables, passez votre chemin; car le style du groupe n'a que peu évolué. Le heavy-speed de Paper Blood, bien que plus radical, demeure assez proche d'un The Mission ou d'un Fear. John West est bien intégré au groupe dorénavant, et remplace assez aisément son prédécesseur DC Cooper, même si son timbre est moins personnel. Des choeurs plus travaillés et des orchestrations plus grandiloquentes, une production plus "rentre-dedans" signée André Andersen, voilà les principales différences avec les dernières parutions du Hunt.
Les compositions d'André Andersen sont reconnaissables en un coup d'oreille. Parfois plutôt quelconques ("Paper Blood" et "Never Give Up" n'inventent rien), elles peuvent aussi accrocher l'auditeur de façon plus convaincante. L'introduction orchestrale de "Break The Chains" annonce ainsi un titre très réussi, étonnamment fougueux et énergique, de même que les riffs lourds et les sonorités de claviers typés 1970 de "Not My Kind". Un nouveau guitariste est à créditer: le suédois Marcus Jidell, au jeu axé rythmiques en béton, qui n'est certainement pas étranger à cette hargne soudaine. Mais ses soli sont loin d'être bâclés pour autant, comme l'occasion nous est donnée, relativement souvent, de nous en apercevoir, étant donnée la récurrence systématique dans les compositions de parties instrumentales chiadées. Et puisqu'on en est à parler line-up, sachez que le batteur originel de Royal Hunt fait son retour sur Paper Blood: Kenneth Olsen, longtemps absenté pour cause de problèmes de santé. Le gonze, de retour, semble gonflé à bloc: de furieux tempi constituent l'essentiel de l'ossature des morceaux, avec bien peu de moments de répit. Paper Blood est plus direct.
John West, avec l'arrivée de ces deux énervés, en profite de son côté pour rendre son chant moins lisse, plus agressif parfois, plus grave aussi. "Kiss Of Faith", en deuxième moitié de disque, est à ce titre assez surprenant. Ajoutez-y une guitare acoustique, une mélodie qui lorgne largement vers la country, quelques notes de piano bluesy, et vous obtenez une chanson mid-tempo originale, que l'on pourrait sans difficulté penser jouée par un tout autre groupe, n'était ce refrain catchy plein de choeurs. Il faut dire aussi qu'une chanson de Royal Hunt sans morceau de bravoure de la part des doigts d'André, ça fait tout drôle. Et ça fait du bien même. Car le déluge de notes à rallonge finit par devenir indigeste à la longue, il faut l'avouer. J'ajoute que sur dix titres, trois sont exclusivement instrumentaux, ce qui pousse à croire que l'on assiste plus ou moins à de la démonstration gratuite et péremptoire. Personne ne remet en cause le talent du boss, que l'on sait énorme; et ces trois titres ne sont pas déplaisants. Mais un peu de parcimonie, dirons-nous, serait certainement la bienvenue. Un peu de diversité aussi: "Seven Days" introduit par exemple des sons de claviers différents, "futuristes" peut-être, qui certes sont loin de prendre la place des leads, mais qui font tout de même plaisir à entendre. Le duel André/Marcus en fin de titre, en revanche, est tout bonnement impressionnant.
La ballade "Season's Change" est là pour calmer les ardeurs, avec une mélodie jolie mais très people. Qu'importe après tout, une bonne chanson reste une bonne chanson même si elle est taxée de "commerciale". A noter la performance vocale de John West sur ce titre, qui nous fait d'autant plus regretter le caractère impersonnel de son chant, en dépit de grandes capacités techniques. A l'instar de James LaBrie par exemple. Mais il progresse sensiblement dans ce domaine, etl l'on reconnaît déjà plus facilement la patte de l'ex-vocaliste d'Artension dans Paper Blood. Et puis il doit être difficile, pour ne pas dire impossible, d'évoluer dans l'ombre d'une figure telle que celle d'André Andersen qui, indubitablement, en impose. Peut-être un rééquilibrage des rôles serait bénéfique à Royal Hunt, et pour son avenir. En attendant, Paper Blood demeure un très bon album, certainement le plus solide du groupe depuis le départ de DC Cooper.