Deep Purple, non content d’avoir posé les bases du hard rock avec In Rock, semble n’éprouver aucune difficulté à donner un successeur à ce dernier. En même temps, faire mieux qu’In Rock n’était pas très difficile. Fireball est plus expérimental qu’In Rock, mais cela concerne quelques morceaux en particulier, et non l’ensemble de l’album, nous y reviendrons. Peu à peu, Deep Purple fait des efforts pour composer des morceaux moins rudimentaires, et on pourrait même y discerner ici ou là quelques soupçons de musicalité, disons.
"Fireball", le titre d’ouverture, a une durée parfaite, ni trop long, ni trop court, rapide, puissant, une batterie déchaînée (et tout ça sans double pédale s'il vous plaît, ça laisse rêveur), un solo de basse qui fracasse tout. Un classique purement heavy metal en quelque sorte! Même sur les morceaux les plus hard, Ian Paice donne l’impression de jouer « à l’économie », sans cogner comme une brute. C’est ce qui caractérise son jeu, légèrement jazzy et d’une grande finesse. Son jeu ne sonne plus comme une parodie du Muppets Show à présent, comme c’était le cas sur les albums période Rod Evans.
Le plus gros défaut de Fireball est la longueur de certains morceaux: "No, No, No", "Demon's Eye" et "No One Came" auraient pu être excellents s'ils avaient été plus courts. Si encore ces longueurs provenaient de duels de claviers et de guitare, ça irait. Mais ce n'est pas le cas! Combien de fois on alterne couplet et refrain sur "No, No, No"? Faites le calcul! Ça en devient ridicule. Heureusement, Ritchie Blackmore, apparemment touché par la grâce, nous assène de solos planants de toute beauté (sur "No, No, No" et "Fools") qu’on ne retrouvera qu’en de rares occasions sur les albums suivants.
"No One Came" aurait quasiment pu apparaître sur In Rock, du bon gros rock pas bien fin, mais qui tache! "Demon's Eye" est plus bluesy, avec une influence Hendrix pour la guitare. Et "No, No, No" contient le riff qui tue par excellence; groovy, très rock, il symbolise à merveille les belles années du Mark II de Deep Purple. Mais ce riff est tellement répété qu’il en devient soûlant à force. Tout ça reste bien classique finalement, et Fireball n’est expérimental que sur "Anyone’s Daughter", une farce country à la sauce Deep Purple (au moins, on rigole!) et "The Mule", qui donnera lieu au légendaire solo de batterie sur Made in Japan. L’intro de "Fools" est très psychédélique aussi, on se croirait sur un album de Pink Floyd.
L’édition remasterisée du vingt-cinquième anniversaire de Fireball contient pas mal d’inédits avec du rock qui décape, encore et toujours ("I'm Alone", "Freedom" et "Slow Train"), des délires en studio ("The Noise Abatement Society Tapes", où Ritchie et Jon Lord s’amusent à massacrer quelques thèmes très connus des amateurs de courses de chevaux, et "Backwards Piano", un court solo de claviers) et des remix dispensables effectués par Roger Glover (sur "Demon's Eye" et "Strange Kind Of Woman", ce morceau n’apparaissait sur aucun album studio et était seulement sorti en 45 tours à l’époque, comme "Black Night"). Une version instrumentale de "Fireball" aussi, à réserver pour ceux qui ne seraient pas rassasiés de la version originale, car à part ça, elle ne présente aucun intérêt. L’édition remasterisée de Fireball est donc, vous vous en doutez, fortement recommandée.