Ah, encore un changement de line up... Le chanteur et le bassiste, comme d'habitude en fait si on regarde bien! Rod Evans et Nick Simper avaient déjà été remplacés, avantageusement faut dire. Là, le contexte n'est plus vraiment le même, Deep Purple avait cartonné avec le line up légendaire dit Mark II. Ian Gillan quitte le groupe, suivi peu de temps après par Roger Glover (apparemment viré sous l'impulsion de Ritchie Blackmore). Ian Gillan restera inactif quelques années, songeant même à arrêter toute activité musicale, avant d'être relancé par l'album solo The Butterfly Ball de Roger Glover.
Que dire sur un album comme Burn sans être banal? L'histoire est connue de tous: David Coverdale et Glenn Hughes débarquent, deux noms inconnus du grand public à l'époque. David Coverdale débutait dans le métier et Glenn Hughes avait joué dans Trapeze, un groupe avant-gardiste, un des pionniers de ce qu'on appelle la « fusion ». Dans un premier temps, ces deux-là vont énormément apporter à Deep Purple. Je précise « dans un premier temps » car l'absence de direction musicale clairement définie nuit vraiment à Stormbringer, l'album suivant. En plaçant "Burn" en ouverture, Deep Purple a sûrement voulu rassurer les fans: une compo à tiroirs, bourré à craquer de solos de guitare et de claviers, plusieurs passages néo-classiques et riff heavy en diable. Un parfait condensé en six minutes de tout le talent de Deep Purple, sur un rythme rapide et déchaîné, un de leurs plus grands titres.
À première vue, on pourrait se dire que le reste de l'album n'atteint pas le niveau de Burn. C'est en tout cas ce que j'ai pensé pendant pas mal d'années, en laissant après le disque prendre la poussière... Grossière erreur! Si l'album peut dérouter les puristes du Mark II, il reste d'une grande cohésion. Les choeurs, qui faisaient déjà une timide apparition sur Who Do We Think We Are si on regarde bien, prennent ici une ampleur insoupçonnée ("You Fool No One" par exemple, le morceau est exclusivement basé sur les choeurs). Rien à voir avec la rugosité des albums du Mark II, David Coverdale a un feeling bluesy, il utilise parfois une voix très calme et grave, pleine de sensibilité, loin de toute démonstration excessive. Il n'hurle pas en permanence comme Ian Gillan. On imagine mal ce dernier chanter sur un morceau aussi calme et magnifique que "Sail Away".
Techniquement le groupe est au top, jamais à court d'idées, chaque musicien dispose d'assez de place pour s'exprimer. Il n'y a pas une « star » avec les autres derrière. Glenn Hughes prend le relai à plusieurs reprises pour le chant, pour atteindre les « high notes » comme on dit ou pour mettre en avant l'aspect « soul », flagrant quand il chante sur "Might Just Take Your Life", plus posé que les singles habituels de Deep Purple, tout en étant très efficace. Le duo vocal Coverdale-Hughes fonctionne également à merveille sur "Lay Down, Stay Down", un morceau rock et endiablé, une pêche monstrueuse... Un peu leur "Speed King" pour simplifier. Avec "Lay Down, Stay Dow"n et "What's Goin' On Here", on reste dans du bon rock Purplelien, au moins grâce aux riffs de Ritchie et le côté « piano-bar » qui va avec. Burn n'est donc pas si déroutant que ça, le risque est pris oui mais les bases du groupe sont conservées. Burn n'est pas la suite logique du Mark II non plus, ça Ian Gillan s'en chargera dans sa carrière solo.
"Mistreated", très ennuyeux en live à cause de ses impros à rallonges, est présentée ici dans sa meilleure version, d'une grande classe grâce au chant. David Coverdale reste imbattable là-dessus, les versions de Rainbow avec Dio sont franchement poussives! On sent que Deep Purple se modernise aussi, avec quelques sonorités de claviers d'époque qui peuvent prêter à sourire (sur "Sail Away" et ""A" 200"), mais rien de grave. L'intrumental ""A" 200" qui termine l'album est un peu bizarroïde, rien à voir avec le reste, le genre de trucs qu'on aurait plutôt vu sur un album d'Uriah Heep en fait! Bref, Burn, chef-d'oeuvre, un des rares albums à faire l'unanimité ou presque parmi les fans, avec Machine Head et In Rock, l'exemple type de la reconversion réussie.