« Heu voilà », se dirent un jour les types d'Enslaved. « On vient tout juste d'obtenir la majorité civile, et le total des poils des membres du groupe atteint tout juste celui de la barbe d'un des mecs de ZZ Top, mais on est déja un trio majeur de la scène Black Metal et, en cette année 1997, nous sortirons comme offrande à Thor & Odin un nouvel album, que nous appellerons Eld et qui sentira bon le True Viking ! »
Eld, déja marqué par quelques aspects progressifs, notamment dans la structure, reste tout de même un des albums avec lesquels Enslaved a fait ses armes. Il est très imbibé par la culture scandinave, aussi bien la mythologie que la période médiévale, chose que l'on devinera aisément en observant la pochette : les 3 jeunes gens qui peuplaient à l'époque le groupe sont en effet vêtus de cottes de mailles et brandissent des armes d'époque, empruntées à un musée norvégien pour l'occasion. Voila qui est tout à fait en adéquation avec le contenu de la galette, et le regard du chanteur-bassiste Grutle Kjellson sur la pochette de celle-ci est plutôt parlant : « Tu ne le sais pas encore, mais tu es déjà mort ! » Le terme de « Tuerie » aurait-il été inventé pour Eld ?
C'est le morceau "793 - Slaget om Lindisfarne" qui introduit l'album. Pour info, il s'agit de la date à laquelle quelques gentlemen venus du Nord ont gentiment saccagé une île dans le nord de l'Angleterre. La piste est très longue à démarrer, histoire de faire durer le plaisir. Il s'agit en fait d'une allégorie, dont l'interprétation est certes libre, mais je perçois cela comme l'expression artistique du trajet en drakkar de ces guerriers. On entend ensuite ce que l'on peut percevoir comme un débarquement, avec les cris d'un chef Viking encourageant ses braves, buvant un dernier petit crâne d'hydromel avant la bataille. Ceci pour vous montrer qu'on est ici en présence d'un certain symbolisme.
La production est faite de telle manière à ce que l'on ait l'impression que les voix se mêlent à un vent nordique pendant que les drakkars flottent vers Lindisfarne, pour y violer les maisons et y brûler les femmes. Ces longs passages débouchent sur des riffs rapides, brutaux, violents, directs, avec une voix très... black. Baston ! Si vous rêviez de massacrer vos ennemis à grands coups de hache, fermez les yeux une heure, le temps d'écouter cet album, et plongez-vous dans l'ambiance magnifique des Scandinaves essuyant joyeusement leurs pompes sur des moines anglais. D'ailleurs, les cris du chanteur sont une fois de plus très appréciables, d'autant plus que le chant est intégralement en norvégien, et pour ma part, celà fait toujours du bien d'entendre des langues un peu exotiques.
On est bien loin de la finesse dont le groupe fait actuellement preuve en matière d'arrangements, mais les riffs de cet album laissent déja présager un talent certain, et le son de la production est d'une grande pureté. Eld est l'album à écouter si vous rêvez de massacrer vos ennemis à coups de hache, ou même tout simplement si vous vouliez entendre des Norvégiens faire hurler leurs guitares à la douleur des victimes de leurs ancêtres.