CHRONIQUE PAR ...
Dommedag
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
14/20
LINE UP
-Grutle Kjellson
(chant+basse)
-Ivar Bjornson
(guitare+claviers+effets+chant+percussion)
-Roy Kronheim
(guitare+chant+percussions)
-Dirge Rep
(batterie)
TRACKLIST
1) Storre Enn Tid - Tyngre Enn Natt
2) Daudningekvida
3) Entrance - Escape
4) Ormgard
5) Aeges Draum
6) Mardraum
7) Det Endelege Riket
8) Ormard II: Kvalt I Kysk Hogsong
9) Krigaren Eg Ikkje Kjende
10) Stjerneheimen
11) Froyas Smykke
DISCOGRAPHIE
Depuis ses débuts, Enslaved n’avait pas encore présenté de changements majeurs dans sa formule. Quelques touches de clavier avaient donné l’épique "793 (Slaget Om Lindisfarne)" sur Eld, mais autrement, tous les albums des Norvégiens n’étaient que des manifestes de l’Art noir, qui lui faisaient relativement bien honneur d’ailleurs. Blodhemn était encore sur la voie d’un black metal riche en blast beats et riffs destructeurs, qui ne faisaient que peu appel à la mélodie. Bien que le groupe n’ait pas changé dans sa composition, c’est avec un album présentant des signes d’évolution qu’il revient.
L’intro surprendra notablement déjà. Ont-ils réellement produit ces sons cristallins, évoquant des flocons tombant lentement, avec des guitares ? Mais cela dure peu avant que n’arrive une tempête obscure, qui se trouve de nouveau balayée par la lumière de ces pétales de givre qui procèdent à leur lente chute. Et cette dualité entre ténèbres tumultueuses et traversées de corridors étoilés se poursuit jusqu’à la fin du titre, excellente ouverture au demeurant. La production absolument massive favorise les épanchements aussi bien désespérés que colériques de ce nouvel opus des Norvégiens. Tout n’y est que puissance, que seuls entrecoupent quelques instants de fragilité touchante pour l’auditeur. Le chant, toujours en norvégien, alterne entre le clair et le black, les deux étant d’excellente facture et ne tirant pas l’ensemble vers le bas.
L’opus est cependant trop porté sur le blast beat, et donc trop long. 58 minutes représentent une bonne dose de musique, et quand on sait que chaque morceau a au moins un passage plus typiquement black, on ne peut que trembler légèrement, de peur du surdosage. Les cavalcades du genre de "Daudningekvida" (à vos souhaits), bien qu’assez jouissives et réussies, se font trop nombreuses et un manque de ralentissement se fait sentir assez régulièrement. Cependant, ce manque est comblé par les ambiances posées par le groupe, comme sur le début de "Entrance-Escape" ou le fade in surprenant d’"Ormgard". Les guitaristes se montrent plutôt inventifs, en ne se contentant pas de jouer des trémolos typiques du black mais plutôt des accords qui renforcent l’impression d’être pris dans la bise la plus impitoyable. Ils ont d’ailleurs augmenté la dose de solos, dont on trouvait déjà quelques exemples sur Blodhemn.
Ceux-ci ne sont pas des plus mélodiques, mais restent cohérents. "Daudningekvida" et "Entrance-Escape" vous renseigneront bien sur ce point. On notera aussi cette utilisation judicieuse des guitares acoustiques sur quelques titres, qui magnifient encore un peu plus l’album, déjà fortement imprégné de mélodies superbes. Le début du deuxième solo de "Entrance-Escape" ou les lignes vocales de "Stjerneheimen" (alias 354 points au Scrabble) sont autant de preuves qui raviront tout un chacun. Mais passé les 4 premiers titres, une certaine monotonie s’installe, sans que les compositions soient particulièrement mauvaises pourtant. C’est simplement l’effet de trop-plein qui prend ses quartiers. Cependant, les derniers titres arrivent à réveiller l’auditeur légèrement estourbi après tant de pilonnage intensif de batterie.
Et tout ça finit sur une outro aussi superbe que le début, qui donne envie de relancer l’album, malgré sa trop grande longueur. Plombé par quelques morceaux qui augmentent inutilement sa durée, Mardraum est pourtant une superbe ode à l’hiver, qui tiraille l’auditeur entre des vents hurlants et des visions de paysages glacés d’une esthétique transcendantale (aucun rapport avec Kant cependant). Ce cinquième album marque donc pour Enslaved la découverte de terres plus expérimentales qui siéent parfaitement à leur art. Un disque charnière qui préfigure ce qu’Enslaved produira ensuite, à savoir ce black metal teinté d’éléments progressifs.