Look At Yourself représente l'album qui établira définitivement Uriah Heep comme une valeur sûre. Le groupe a enfin sa propre griffe immédiatement reconnaissable et c'est désormais dans cette direction que se situeront les prochains albums. Plus rien ne pourra arrêter son ascension vers un succès international. Considéré par certains fans comme le meilleur album d'Uriah Heep, je ne partage pas cet avis, tout n'est pas parfait (mais la perfection n'existe pas, n'est-ce pas ?).
Uriah Heep passe à la vitesse supérieure sur Look At Yourself, avec beaucoup d'énergie positive qui se dégage de ce disque. "Look At Yourself", "Love Machine", "Tears In My Eyes", "Shadows Of Grief" et "I Wanna Be Free" ne manquent pas de pêche. Ces cinq titres prouvent qu'Uriah Heep peut aussi être dynamique (bien plus que sur Salisbury), même si, comparé à d'autres groupes de la même époque, ça peut paraître un peu faiblard de ce point de vue. Look At Yourself contient une quantité astronomique de classiques avec tout d'abord le heavy et direct "Love Machine" qui prend toute sa dimension en live. Dans le même genre, "Easy Livin'" me parait meilleure car la mélodie est beaucoup plus belle. Les cris suraigus de David Byron, enfin parfaitement maîtrisés, sont bien la seule chose qui peut désormais rapprocher Uriah Heep de Deep Purple.
Il manquait à Uriah Heep son hymne épique et fédérateur, celui capable de faire chavirer la foule en concert devant tant d'émotions et de beauté contenues sur une seule chanson. "Salisbury" était une pièce trop expérimentale et progressive, trop différente du répertoire traditionnel d'Uriah Heep pour pouvoir remplir ce rôle. "Lady In Black" était trop courte et répétitive pour ça. Deep Purple avait "Child In Time", maintenant il faudra compter avec "July Morning". Il manque quand même un solo de guitare qui fracasse tout, comme c'était le cas de "Child In Time". Mais le final de "July Morning", répété à l'infini, est tout simplement grandiose.
Uriah Heep décrochera également avec ce disque son premier hit, l'incontournable "Look At Yourself" (repris plus tard par Gamma Ray sur Heading For Tomorrow), encore une tuerie annoncée en concert et dont le final avec les percussions laisse présager de belles improvisations en live. Car Uriah Heep improvise beaucoup lors de ses concerts, mais aucun live officiel ne rendra justice à cette démarche malheureusement, contrairement à Made In Japan de qui vous savez. "What Should Be Done" inaugure une longue série de belles ballades au piano, toutes écrites par Ken Hensley, qui s'impose maintenant comme le leader et le compositeur principal.
En dehors des classiques, Look At Yourself contient aussi quelques titres nettement en deçà et composés à la va-vite : "Tears In My Eyes" est un morceau de rock sympathique et joyeux, avec des guitares slidés qui deviendront un gimmick pour Mick Box. Il ne restera toutefois pas dans les annales, faute de refrain réellement accrocheur et d'une partie instrumentale très spontanée mais un peu ratée. De même que "Shadows Of Grief" et son assemblage de différentes parties contrastées entre le calme et la tempête, cela fait plus penser à un bric-à-brac bordélique qu'à un morceau progressif. "Tears In My Eyes" et "Shadows Of Grief" restent quand même agréables à écouter et d'une grande fraîcheur, sans être extraordinaires. Ces deux morceaux auraient mérité d'être un peu plus structurés et aboutis pour pouvoir devenir des classiques.
Ces quelques "faux pas" n'empêcheront pas Look At Yourself d'être classé parmi les albums de référence d'Uriah Heep, et c'est largement mérité. Vous pouvez y aller sans risques, on n'est pas très loin du chef-d'oeuvre. Il ne manque plus pour le groupe de s'entourer de musiciens techniquement irréprochables ce qui sera chose faite dès le prochain album.