Uriah Heep était parvenu à enregistrer son meilleur album depuis vingt ans avec Sea Of Light, même les fans les plus acharnés n'y croyaient plus ! Comme Deep Purple avec Purpendicular, les deux grands avaient frappé un grand coup, en prouvant qu'ils étaient toujours capables de rivaliser avec leurs albums classiques. En toute logique, il leur sera difficile de rééditer l'exploit. Deep Purple avait essayé de faire un album plus hard avec Abandon, après un Purpendicular plutôt tranquille. Uriah Heep c'est l'inverse : Sonic Origami est beaucoup plus calme et moins heavy que Sea Of Light.
Au niveau du son, de gros progrès ont été fait par rapport à Sea Of Light : Uriah Heep ne sonne plus comme un groupe de heavy metal allemand dans la lignée de Running Wild. La finesse du groupe est enfin très bien retranscrite. Inutile de chercher des bombes heavy de la trempe de "Time Of Revelation" ou "Universal Wheels", il n'y en a pas sur Sonic Origami. Uriah Heep s'est considérablement assagi et sonne comme un groupe de papys, que ce soit au niveau des choeurs ou des trop nombreuses ballades. La première fois que j'ai écouté "Sweet Pretender", j'ai complètement halluciné, surtout avec le refrain, ses choeurs un brin ringards... Les personnes habituées au Uriah Heep des années 70 qui tombent sur ce morceau seront sûrement désagréablement surpris dans un premier temps. Mais on finit par s'y faire et par trouver ce morceau entraînant et assez heavy (par rapport au reste j'entends). De même que "Everything In Life" est réjouissante, sorte de "Easy Livin'" ou "Look At Yourself" des temps modernes.
"Between Two Worlds" représente l'équivalent de "Against The Odds" de l'album précédent, à savoir le morceau épique de l'album, lorgnant fortement vers le prog. Moins agressif et plus accessible que "Against The Odds", "Between Two Worlds" contient son lot de mélodies exquises. Idem pour "Change" qui se situe aussi dans cette veine "prog metal" façon Uriah Heep, ce sont les meilleurs titres de l'album, cela ne fait aucun doute. Voilà pour les points positifs ! On ne peut pas reprocher au groupe de ne pas être inspiré, c'est surtout le trop grand nombre de ballade qui contribue largement à atténuer l'enthousiasme. Trois ballades, ça va, au bout de la sixème, ça commence à peser ! Certaines d'entre elles sont mielleuses au possible ("Only The Young" et "Accross The Miles"), dans un style limite AOR. D'autres par contre sont magnifiques comme "Shelter From The Rain", légèrement bluesy ou l'acoustique "Question" (la réplique du "Dream On" figurant sur Sea Of Light).
Curieusement, la fin de "Change" et de "Question" sont identiques, le même thème est repris. Et d'autres ballades comme "The Golden Palace" ou "Heartless Land" alternent refrains gnan gnan avec quelques passages convenables. Les quelques rock songs ("Perfect Little Heart", "Feels Like", "I Hear Voices" et ses sonorités orchestrales) ne cassent pas des briques et suffisent à peine à redynamiser l'album. En clair, écouter les quatorze titres de ce disque à la suite peut vite devenir pénible, même si l'inspiration n'est jamais prise à défaut (ce qui permet de sauver ce disque), mais avoir autant de ballades fout tout en l'air. Uriah Heep est atteint du syndrome Scorpions ou Aerosmith et je crains que cela aille en s'aggravant avec les années. Pour l'instant on ne peut pas trop s'avancer puisque Uriah Heep n'a pas sorti de nouvel album studio depuis 1998.