The Magician's Birthday succède rapidement au mythique Demons & Wizards, et au regard de la pochette signée Roger Dean (le célèbre dessinateur des pochettes de Yes), on peut déjà considérer The Magician's Birthday comme le petit frère de Demons & Wizards : même type de pochette mystique, musicalement pas si éloigné sans être une copie conforme pour autant (si on aime l'un, on aime forcément l'autre) et les deux albums partagent le même goût pour l'aventure et la prise de risque.
Déroutant au premier abord, The Magician's Birthday se distingue vite de son prédécesseur, l'ambiance n'est plus vraiment à la fête ici comme c'était le cas de l'album Look At Yourself. On ne retrouve qu'en de rares occasions la facette joyeuse du répertoire d'Uriah Heep, comme par exemple sur le très rock et groovy "Spider Woman" (le titre faible et léger de l'album, pourtant très agréable), les choeurs du refrain de "Sweet Lorraine" ou sur le passage au piano de l'épique "The Magician's Birthday" («Happy birthday to you»), j'y reviendrais plus tard. Notons au passage que ces morceaux sont les seuls à ne pas avoir été composé par Ken Hensley, qui lui était dans un tout autre état d'esprit.
Plus calme, plus posé, comme sur la ballade classique au piano "Rain" (même si ce n'est pas la meilleure de Ken Hensley) ou sur les perles acoustiques, tantôt pépère sur "Tales" et enjoué sur "Blind Eye". Qui aurait cru que "Blind Eye" prendrait toute sa dimension en live, près de trente ans plus tard, avec Ian Anderson de Jethro Tull à la flûte ? Jamais un groupe de hard rock n'était parvenu à mélanger guitare acoustique et électrique avec autant de magnificence sur un même morceau, même Led Zeppelin n'y était pas arrivé sur leur album folk III.
The Magician's Birthday est même très sombre, presque déprimant sur "Echoes In The Dark". David Byron apparait plus désabusé que jamais sur ce morceau, en symbiose avec le piano, très dark justement (je ne me suis pas foulé, c'est sur !). Sur "Echoes In The Dark", comme sur la ballade "Tales" (deux ballades au compteur, pas une de plus, Uriah Heep n'a pas (encore ?) viré commercial !), un procédé identique et réellement jouissif est utilisé, celui de clôturer le morceau avec des choeurs grandioses et réellement jouissif, comme si cela avait été fait pour redynamiser la sauce. En tout cas pour une fin, on ne pouvait pas faire mieux !
"Sunrise" et ses choeurs malsains vous fileront de ces frissons, j'en tremble encore. David Byron justement, puisqu'on parle de lui, il confirme une fois de plus quel chanteur talentueux il fut. Et comment pouvait-on parler de ce disque sans évoquer la longue pièce "The Magician's Birthday" ? C'est la meilleure plage de l'album, ni plus ni moins; dix minutes sur lesquelles le groupe se laisse aller à des délires divers et variés. Ça commence avec du Uriah Heep traditionnel, heavy, plus classique et direct que le reste de l'album. On enchaîne donc avec les «Happy birthday to you» au piano dont je parlais plus haut, volontairement légers, pour mieux laisser exploser la fuckin' fury ensuite sur cette fabuleuse jam de cinq minutes où guitare et batterie se livrent toutes les deux à une mini-jam d'anthologie. Mick Box est un tueur à la guitare, car même si on voit vite ses limites techniquement (les spécialistes noteront l'utilisation de la wah-wah pour masquer ses carences techniques, les fans eux s'en foutent du moment que ça tue, et CA TUE !), ce mec est capable de pondre de ces solos killers, et on ne s'ennuie pas une seule seconde !
Lee Kerslake quant à lui nous montre qu'au niveau fluidité, il n'a rien à envier à Ian Paice de Deep Purple, on l'avait rarement (pour ne pas dire jamais !) entendu aussi déchaîné derrière ses fûts. Et le morceau se termine avec ce qui restera sans doute comme les plus belles vocalises aiguës qu'il m'ait été donné d'entendre. Je ne parle même pas des lignes de basse hyper mélodiques qui me laissent sur le cul à chaque fois, tout le monde est à fond à fond à fond sur ce morceau... en fait non, seul Ken Hensley parait plus en retrait ici et il n'a pas composé ce morceau seul (il ressemble à Weiki d'Helloween d'ailleurs avec sa clope au bec sur la photo du livret !!). Tantôt théâtral ou tout simplement doux et beau, le chant de David Byron ne tombe jamais dans le ridicule. Tout semble si naturel et déconcertant de facilité chez lui, là où d'autres chanteurs se forcent lamentablement à jouer les Patrick Juvet en herbe pour un résultat... affreux (King Diamond au hasard, Matt Barlow). Non, ce qui distingue David Byron des autres, c'est la classe, point barre !
The Magician's Birthday est reconnu pour être le meilleur album d'Uriah Heep avec Demons & Wizards, quoique cette place de leader est aussi disputée par Salisbury et Look At Yourself... difficile de se mettre d'accord entre fans. Ma préférence va pour Demons & Wizards, quoique Salisbury n'est vraiment pas loin derrière, sans oublier le fabuleux Wonderworld (même s'il se situe un cran en-dessous des albums légendaires, il reste sous-estimé !)... Enfin bon le but n'est pas non plus de disserter sur mon album préféré d'Uriah Heep ! En tout cas, c'est la dernière fois où Uriah Heep expérimentera à ce point ce qui ne veut pas dire que les albums qui suivront soient mauvais, loin s'en faut !