A la suite d'une succession de chefs-d'oeuvre et d'un succès toujours grandissant, les revers traditionnels de la vie de rock star finissent toujours par s'abattre progressivement sur les groupes et Uriah Heep n'échappe pas à la règle. Entre un chanteur, David Byron, en proie à de graves problèmes d'alcoolisme et une dictature de plus en plus pesante imposée par le manager Gerry Bron réservant au claviériste Ken Hensley la quasi-totalité de ses compos pour chaque album, rien ne va plus!
Wonderworld a donc été accouché dans la douleur et le moins que l'on puisse dire est que cela s'entend! Mais ce climat de tension permet aussi de rendre l'album plus agressif, bien plus en tout cas que tous les albums qui suivront! Le chant de David Byron n'est pas à son meilleur niveau mais il contribue à rendre encore plus tordues les idées développées sur ce disque. Tordues en effet certaines parties de claviers ("Wonderworld") ou ces lignes de chant où l'on sent un David Byron au bout du rouleau (sur les heavy "Suicidal Man" et "So Tired", toutes les deux terriblement efficaces).
Sur ses titres heavy, Uriah Heep ne dégage quand même pas autant de puissance que ses contemporains et parait même un peu faiblard à côté. Il n'empêche que les montées en puissance de "Suicidal Man" avec ses choeurs, ses riffs primaires et ses fabuleuses lignes de basse en font bel et bien une tuerie. Sur ce titre, Gary Thain nous régale pour la dernière fois avec son jeu, plus mélodique que jamais. Toute la rage développée sur Wonderworld en font, non pas un chef-d'oeuvre, mais bel et bien un disque très attachant, bien meilleur que le moyen Sweet Freedom qui le précédait.
Ken Hensley et Gerry Bron n'aiment pas beaucoup ce disque. C'est sûrement dû au fait que les claviers n'occupent pas le premier plan, de même que la production n'est pas des plus fignolées. Son caractère agressif a également de quoi dérouter! Pas de véritables classiques à signaler ici, à part peut-être "Wonderworld" ou la ballade au piano "The Easy Road" qui restera longtemps dans le répertoire de la carrière solo de Ken Hensley, preuve s'il en est de sa qualité. Seul le pénible "I Won't Mind" me paraît vraiment mauvais; Uriah Heep semble vouloir rivaliser de lourdeur avec Black Sabbath sur ce titre, mais sans y parvenir. Les solos bruyants de Mick Box sont douloureux pour les oreilles et David Byron est complètement à l'ouest sur ce titre.
Les choeurs n'ont pas disparu pour autant ("Dreams", "We Got We"), de même que la facette "happy Heep" est toujours présente sur les entraînants "The Shadows And The Wind" et "Something Or Nothing". "Dreams" est le petit joyau progressif situé en fin d'album, juste après "We Got We", un morceau assez spécial basé principalement sur les choeurs. Mais si Wonderworld ne fait pas parti des classiques d'Uriah Heep, cela ne signifie nullement qu'il est mauvais, bien au contraire, il est très solide, a été sous-estimé par la critique à sa sortie à cause des chefs-d'oeuvre qui le précédaient. Il est aussi symbolique dans la mesure où c'est le dernier album enregistré par le line-up considéré comme ultime et représentant le mieux l'âge d'or d'Uriah Heep.