Comment faire lorsqu'il faut donner suite à un album ultime ? Slayer s'était déjà retrouvé au pied du mur après Reign In Blood, et avait trouvé une solution à son image, simple et efficace : défoncer le mur en sortant South Of Heaven, puis quelque chose d'encore plus ultime avec Seasons In The Abyss. Retour à la case départ donc, avec encore davantage d'embûches : pendant les 4 années écoulées depuis la sortie de Seasons, le thrash s'est cassé la gueule et Slayer a perdu son mythique batteur Dave Lombardo. Pas gagné d'avance…
En guise de nouveau marteleur de fûts, Slayer a fini par jeter son dévolu sur Paul Bostaph,. Pas le dernier des manchots en somme, même si à l'époque les fans réclamaient un batteur plus huppé que celui de Forbidden, un groupe dont le succès n'avait rien à voir avec celui de Slayer. Petit clin d'œil histoire de couper court à la grogne, c'est sur une intro de batterie que s'ouvre le 6ème album de Slayer, sans doute pour confirmer définitivement Bostaph dans son rôle. D'autant que très rapidement, on ne peut que se plier à l'excellence de ce choix. A entendre le bonhomme multiplier les roulements de toms dans tous les sens comme une véritable pieuvre, c'est tout juste si on regrette le départ de Dave Lombardo. Mais malheureusement, c'est bien là l'une des rares satisfactions de cet album.
Déjà, Divine Intervention souffre de plusieurs détails qui nuisent à sa qualité d'ensemble. D'une part, le son est relativement moyen, plus particulièrement en ce qui concerne les guitares. Slayer a choisi de s'affranchir du gourou Rick Rubin (relégué au rôle de producteur exécutif) et de se prendre en main, mais le résultat s'avère moyennement convaincant. Ensuite, il y a la prestation là aussi très moyenne de Tom Araya au chant. Le frontman a toujours donné dans un registre extrêmement agressif, toujours sur le fil du rasoir. Mais à l'instar de Mille Petrozza sur Cause For Conflict un an plus tard, il en fait cette fois un peu trop. Araya passe surtout son temps à brailler à tort et à travers, notamment sur le morceau titre. Une attitude qui finit par devenir lassante au bout d'un moment.
Plus ennuyant, Divine Intervention souffre surtout d'un déficit certain au niveau de l'inspiration. Pourtant, ça démarre très fort avec "Killing Fields". Voilà un putain de morceau, avec sa rythmique aussi géniale qu'incompréhensible, son accélération foudroyante et son solo imparable. Si tout l'album avait été de ce calibre, Slayer aurait pondu un nouveau classique du thrash les doigts dans le nez. Mais "Killing Fields" reste toutefois un cas isolé sur Divine Intervention, avec l'ultra-violent et jouissif "Dittohead". Le reste n'est qu'une succession de morceaux bâclés ("Sex. Murder. Art.", "Serenity in Murder") ou simplement sans relief ("Fictional Reality", "Circle of Beliefs"). D'où une désagréable sensation d'avoir affaire à une sorte de Slayer générique.
L'une des explications de ce marasme, c'est le relatif effacement de Jeff Hanneman. Slayer est trop souvent résumé au turbulent Kerry King, mais c'est bien son compère blond qui est à l'origine des plus grands classiques du groupe. "Angel of Death", "Raining Blood", "South of Heaven", "War Ensemble", "Dead Skin Mask", "Seasons in the Abyss" : tous ces titres ont été composés par Hanneman. Or, sur Divine Intervention, celui-ci se fait aussi discret que peu inspiré. Il ne signe qu'un seul titre, le fort moyen "213" et co-signe également le très mauvais "Serenity in Murder", l'insipide "Mind Control", le lourdaud "Divine Intervention" ainsi que le déjà plus honorable "SS-3". Bref, la principale tête pensante de Slayer n'était visiblement pas au mieux de sa forme, et personne n'a su prendre efficacement la relève…
En proposant un mélange de titres rapides comme à la grande époque et des morceaux plus ambiancés, Slayer nous propose ce qui peut être perçu comme une synthèse de ses 10 premières années de carrière. Malheureusement, sauf en de très rares exceptions, Divine Intervention ne parvient jamais à ne serait-ce que s'approcher un minimum des grandes heures de la décennie précédente. Au final, un album tout juste correct ; et sur un plan plus subjectif, une véritable déception pour un disque frappé du sceau Slayer.