Oh celui-là, on l'a vu venir gros comme une maison. Les premières annonces dans la presse : cette pochette ultra léchée, ce titre... et surtout la bonne grosse mention « produced by Devin Townsend » bien mise en valeur sur l'image. Le tapis rouge était déroulé. Le temps était venu pour Soilwork, ils allaient enfin sortir un album de déments et passer dans la cour des têtes d'affiche. Sauf que même si la tête d'affiche restait effectivement à faire, ils avaient déjà sorti un truc de déments avec l'album précédent...
Avec Towsnend aux manettes, forcément, on commence par parler du son. Le Canadien chtarbé a parfaitement réussi à s'adapter à la personnalité de Soilwork tout en posant sa patte : le grain est tout sauf proche de SYL mais on retrouve cette amplitude générale qui donne une impression de son immense. Les claviers sont évidemment parfaitement intégrés au tout, et les guitares sont plus éthérées que celles plus crues de A Predator's Portrait. Du coup l'effet power Megaman qui faisait toute la joie de l'album en question est toujours présent : ça rebondit, ça syncope, ça pulse, ça colle une pêche insensée. Cette science du tube melodeath moderne permet à un opener comme "Follow the Hollow" d'être l'équivalent métal d'une course sur F-Zero ou Wipe Out : à fond les ballons, avec de gros effets qui font schpaoum et des descentes dans des tunnels où on frôle les bords. Ce sens du tube immédiat à base de riffs bondissants blindés de twin-leads, d'accélérations soudaines, de claviers spatiaux et de chant braillé se retrouve en filligrane sur tout l'album qui sonne de ce fait extrêment moderne et maîtrisé.
Concernant Speed Strid, l'attention s'était surtout portée sur l'apparition d'un chant clair loin d'être moche sur certains morceaux d'A Predator's Portrait mais c'est avant tout sa technique de hurlement qui a totalement changé... et il persiste et signe sur les deux points. Le registre sur-haineux de The Chainheart Machine appartient au passé, les braillements sont toujours orientés core et la généralisation du chant clair sur les refrains renforce d'autant plus l'accent mis sur l'énergie... aux dépens de la violence. Le Soilwork de Natural Born Chaos est très accrocheur mais il n'a désormais plus rien de métal extrême... À part "Follow the Hollow" le seul titre speed est "Black Star Deceiver" qui pousse pour le coup le principe du video-game metal très loin : jauge de patate qui crève le plafond, touches d'orgue Hammond irrésisitibles, duo de hurlements possédés de Strid et Devin qui s'éclatent... c'est un tube. Un vrai. Comme "As We Speak", ou un Strid transcendé balance un débit de cris qui porte une montée de claviers à son paroxysme avant la retombée mélodique. Et un tube de plus...
Donc Soilwork sait toujours faire des tubes, avec un peu moins de mordant qu'avant mais encore un peu plus d'efficacité. Soit. Mais en dehors des tubes il faut aussi faire des chansons, et dès qu'on part de ce côté le manque de violence déjà cité commence à mettre les compos en péril. Déjà car quand le groupe commence à vouloir la jouer méchant comme sur "The Flameout" il ne parvient pas à tenir la longueur car l'élan se retrouve coupé par un refrain chanté qui semble devenir une figure imposée, ce qu'il restera d'ailleurs par la suite. Il y a aussi quand les refrains en question deviennent les seuls moments se détachant d'une compo ("Mindfields") tant le groupe semble ne plus savoir envoyer le bois, s'il ne s'auto-pompe pas en reprenant la recette rythmique de "Like An Average Stalker" pour "The Bringer" par exemple. La recette du riff jumpy à harmonies avec des textures de clavier par-dessus ne prend pas toujours : "Mercury Shadow" a tout ce qu'il faut là où il faut pour faire un single (au break près) mais glisse sur l'auditeur. À force de tenter toujours la même approche, statistiquement on finit par faire moins bien...
L'effet tremplin a bien eu lieu et Soilwork a gagné suite à cet album un paquet de galons. Léché à l'extrême, il contient des titres cultes mais marque aussi une évolution : délaissant totalement l'agression au profit de l'énergie positive, le groupe commence aussi à composer ses premières chansons « génériques », qui sentent un peu la formule répétée. Il reste un bon album de métal au sens large, parfaitement produit et exécuté... mais son prédécesseur reste un chef-d'oeuvre.