Mandylion est le premier disque écrit après le changement de line-up, qui a vu Anneke Van Giersbergen remplacer Martine Van Loon au chant. Autant dire que c'est le véritable premier disque du groupe... car sans Anneke, The Gathering n'était pas et ne sera plus! Elle a apporté un plus non négligeable: elle signe toutes les paroles des morceaux de Mandylion et sa voix... quelle voix... la plus belle voix... D'ailleurs, elle seule chante sur ce disque, après le départ de Niels Duffhues. Plus de chant masculin, donc... ce qui est un soulagement.
Mandylion est un disque beaucoup plus sensible, beaucoup plus atmosphérique que ses deux prédecesseurs, Always... et Almost A Dance, qui évoluaient dans un registre plus lourd et plombé. Exit le death, les frères Rutten changent radicalement le style du groupe avec l'arrivée d'Anneke au chant. Ils écrivent une musique plus aérienne, agrémentée cependant de rythmiques plus lentes et graves. Mandylion est sombre, mélancolique, parsemé ça et là d'ajouts électroniques ("Eléanor", l'intro hypnotique du second morceau, "In Motion #1" et de "Mandylion") qui laissent présager les intentions du groupe. C'est clair comme de l'eau de roche: Rutten et sa bande, Anneke en tête en ont assez du commercialisme ambiant et veulent jouer LEUR musique, et ce, comme ils l'entendent. Résultat de la problématique: un disque inspiré, mais parfois maladroit.
La démarche d'Anneke est saine. Son timbre de voix, encore sous forme de chrysalide pour le moment, égrène et parcourt les différents morceaux d'une sincérité sans faille. "Eléanor" la voit porter haut la sphère de la mélancolie rageuse (les riffs de guitare, puissants et précis accompagnent une double grosse caisse furtive sur l'album) tandis que le morceau éponyme ("Mandylion"), un instrumental aux sonorités celtisantes, ou encore le très métaphysique "Sand And Mercury" la laisse effleurer la mélodie tel un ange lointain. Mais bon, sur cet album, on est loin de la grâce élégante qui porte à bouts de bras le sublime How To Measure A Planet? ou encore, fait plus récent, "Souvenirs" et son trip-rock surprenant. La voix d'Anneke est superbe, mais elle le sera d'autant plus par la suite...
Ce qui frappe le plus, c'est le contraste de la voix par rapport au style de musique joué par le groupe, toujours désireux d'orienter vers le sud musical ses instruments. Un mariage finalement plutôt réussi, qui comble ainsi la disparition de la voix masculine au profit d'un metal plus étiré, plus propice aux envolées soudaines et furtives d'une voix plus aérienne. En témoigne le meilleur morceau de "Mandylion", "In Motion #2". Ce troisième album constitue l'embryon du schisme que va opérer le groupe avec son passé par la suite. Les claviers sont plus présents et l'instrumentation se fait plus expérimentale (un instrumental, un quasi-instrumental sur huit titres au total; des sonorités en dehors du cadre strict du metal...).
Qui dit embryon, dit développement: Mandylion est un bon disque, qui a le mérite d'apposer de bonnes idées, mais pas forcément bien employées ici. L'ensemble se laisse difficilement écouter d'une traite, puisqu'il est trop homogène. Les morceaux développent une ambiance très originale et très travaillée, c'est indéniable. Mais maintenant, restent les mélodies trop épurées, à part les meilleurs morceaux cités plus haut. Mandylion forme un bloc, mais un bloc étiré, donc languissant. Les redites sont parfois légion ("In Motion #1 et #2 n'auraient dû faire qu'un, "Leaves" est trop anodin).
Mandylion est cependant une introduction inévitable à la musique que joue The Gathering. Plus un disque d'ambiance qu'un disque mélodique, cet album est la preuve par l'absolu que le groupe va, on en est maintenant assuré, muter et le papillon Anneke se libérer de sa chrysalide. Pas vraiment indispensable, mais essentiel pour comprendre le groupe.