Après le très discuté Train Of Thought dévoilant le côté le plus metal de la face de Dream Theater, les Américains nous prennent une nouvelle fois à contre-pied avec Octavarium qui se veut résolument plus rock et apaisé. Petrucci s’est calmé sur le shred intensif et revient à un style plus sobre. Alors que Train Of Thought comportait de nombreuses bonnes idées au milieu de rien, Octavarium est lui très hétérogène dans ses pistes. S’il y a certes de mauvais titres, l’album possède par ailleurs de plutôt bons, voire de très bons morceaux, et ça, Train Of Thought n’en contenait pas.
Les derniers relents à la Train Of Thought sont présents sur le convenu mais correct "The Root of All Evil", qui sert de transition. On note la reprise de "This Dying Soul" au passage, puisqu’il s’agit du 3e épisode de la série des AA songs de Portnoy. "Panic Attack" est également très agressif dans un style heavy-grandiloquent où se mêlent son gras et batterie furieuse d’une part et chœurs pompeux d’autre part pour un résultat assez satisfaisant. Au programme des réjouissances, LaBrie chante très bien sur l’ensemble de la galette. Rudess offre pour l’une des premières fois un jeu relativement agréable à écouter en sortant de ses sonorités enfantines malgré quelques excès sur "The Root of All Evil" et "Panic Attack". Il intervient de plus dans de bons duels guitare-claviers à plusieurs reprises et dirige un orchestre symphonique présent pour l'occasion.
De plus, les émotions et la mélodie sont bien plus présentes dans l’ensemble. Malheureusement, c’est loin d’être le cas de tous les morceaux à l’image de "The Answer Lies Within", véritable blague ! On se serait largement passé de cette ballade sirupeuse et atrocement fade. Néanmoins, trois pistes se détachent nettement du lot. "These Walls" est peut-être la plus réussie de toutes car moderne et pour le coup inventive : rien n’est en trop, seulement ce qu’il faut et quand il faut. "Sacrificed Sons", traitant des attentats du 11 septembre 2001, est dans la continuité des titres épiques à la "Finally Free". La chanson commence par quelques notes de piano pour aboutir sur un final grandiloquent au possible avec le soutien de The Octavarium Orchestra. Enfin, le morceau éponyme "Octavarium" justifie à lui seul l’écoute de l’album.
Véritable composition de bravoure de 24 minutes, elle expose tout le talent du groupe en résumant 40 années de musiques progressives. Vient alors la question piège : plagiat ou pas ? Il faut dire que les influences sont nombreuses (et souvent frappantes) : Pink Floyd, Yes, Genesis ou Rush viennent spontanément à l’esprit. Cependant, si l’on décide de jouer le jeu et de faire outre de toutes ces influences, "Octavarium" ne peut être qu’une réussite car épique, riche, variée et magistralement menée. Il s'impose comme ce que les New-Yorkais ont fait de meilleur depuis de nombreuses années. Relativisons tout de même, le titre est loin de surpasser "A Change Of Seasons" (pourtant à égale durée), le nombre d’idées développées étant nettement moindre. Par ailleurs, si le plagiat sur Metallica a disparu, d’autres apparaissent !
Et encore une fois revient la question de la capacité de Dream Theater à se renouveler. Alors que l’insupportable " I Walk Beside You" tente un fort rapprochement avec U2 sur le refrain, "Panic Attack" et "Never Enough" donnent, quant à eux, ouvertement dans Muse. LaBrie se paye même le luxe d’imiter (avec brio, avons-le), le timbre chevrotant de Matthew Bellamy, tandis que Rudess repompe sans incommodité les arpèges néoclassiques de la muse sur le très moyen "Never Enough", trop poussif sur le refrain. Mais ce recours systématique au plagiat porte directement atteinte à l’identité du groupe ! En effet, depuis Scenes From A Memory, véritable album charnière autant en terme de qualité que de style, le groupe semble tâtonnant, tentant de multiples expérimentations dans l’espoir de trouver sa voie, en vain…
Bien qu’appuyé par une production toujours excellente, Dream Theater n’arrive plus à surprendre et émouvoir l’auditeur comme à son apogée. Octavarium est ainsi une nouvelle déception, dans la continuité de Train Of Thought où le manque d’originalité et les tentatives douteuses de plagiat sont à foison. Néanmoins, d'excellents passages le rendent plus agréable dans l'ensemble que son prédécesseur même si le groupe semble tragiquement enfermé dans ce faux rythme de roue libre en sortant tous les deux ans un nouvel album, sans chercher à se surpasser ni à innover.