Plus le temps passe, plus j'accorde d'attention aux EP, ce format un peu bâtard, souvent intercalé entre deux albums pour faire patienter le fan. Un EP est un amuse-bouche musical. Le plus souvent bref, il permet à l'artiste d’expérimenter un peu et de se faire plaisir en s'essayant au remix voire à la reprise. Finalement, avec un EP, on ne sait jamais vraiment à quoi s'attendre. Parfois l'objet sera pertinent. Parfois pas. Sauf que voyez-vous, pour ce My Dying Bride, mon coté normand resurgit : je peine à trancher.
The Barghest O' Whitby n'excède pas les trente minutes. Trente minutes pour un unique morceau fleuve. Si pour le groupe côtoyer la dizaine de minutes était une habitude, s'approcher de la demi-heure est en revanche une nouveauté ! Ceci nous amène au point positif qui plane sur cette sortie : My Dying Bride est libre. Après 20 ans de carrière, jamais le groupe n'a été aussi varié dans ses sorties : une série d'albums relativement convenus, un vaste projet d'anniversaire plutôt ambiant, et maintenant ce Barghest qui loin d'être aussi planant ou aimable que ses aînés se veut un véritable retour dans le passé. Un retour à l'ambiance désespérée et inquiétante des premiers opus. Ce pari en général risqué est, en fait, rarement honoré... Pourtant, cette fois, l'engagement est tenu. The Barghest O' Whitby aurait pu sortir en 1995 que personne n'aurait été étonné. Emblématique de cette période, le violon est mis à l'honneur. Toujours utilisé pour émouvoir, il est ici avant tout un instrument déstabilisant, peignant une ambiance sombre et torturée. Du même coup, les craintes légitimes quant à l'ambiance générale s'envolent : le son est de retour. La production cristalline des derniers essais n'est plus d'actualité cette fois-ci. Le jeu est sale, poisseux. Tout au long de cette sombre demie-heure, l'auditeur est assailli de riffs old-school eux-mêmes ponctués de larsens et autres notes grinçantes.
Ce retour en arrière s'accompagne également de l'un des étranges particularisme du groupe : ces transitions si aléatoires. Tout s’enchaîne, certes, mais rarement de manière fluide. L'agencement des différentes parties est parfois surprenant, voire décevant. Le morceau est d'ailleurs coupé en deux parties bien distinctes, dommage ! Pourtant, loin d'être un frein à la musique des Anglais, cet amateurisme leur confère au contraire un charme désuet et unique. Unique également est ce jeu de batterie typique qui, après nous avoir bluffé sur l'album précédent, réitère l'exploit à grand renfort de descentes de toms on ne peut plus pertinentes. Enfin, et c'est bien logique étant donné le but affiché, le growl, le vrai, est de retour. Il va sans dire que cette redécouverte est la bienvenue. L'utilisation d'un chant doublé en studio offre à la seconde partie de la piste un rendu réellement saisissant et glacial. Une réussite. Tout permet à l'ambiance de cet obscur conte Anglais -celui du Barghest, sorte de chien noir géant et spectral errant dans le Yorkshire- de nous envelopper. Le final du morceau, lui, plonge directement dans les abysses de la discographie du groupe (As The Flowers Withers) et sonne dans la plus grande tradition death/doom, sur fond de guitare puissantes et de double pédale. Un petit régal.
The Barghest O' Whitby aura donc tous les arguments pour séduire les nombreux amateurs ayant pu se sentir abandonnés par le groupe depuis déjà quelques années. Seulement, pourquoi ne pas aller de l'avant ? Pourquoi ne pas expérimenter comme l'étrange 34.788%..., en son temps, avait su le faire? In fine, ce Barghest O' Whitby est un bon opus, classique au sens noble du terme et dont l'appréciation dépendra de ce que chacun attend du groupe. Votre serviteur, lui, n'aurait pas renié une nouvelle prise de risque tournée vers l'avenir. Pour cela, il y a Evinta.