Je sais pas vous, mais moi j'aime bien acheter des cédés à l'étranger. C'est bien simple, dès que je sors de ma Normandie natale, je pars en quête du disquaire du coin. Je me rappelle la larme à l'oeil du jour où, encore toupiti, j'hésitais entre Toxicity et Still Life chez un petit disquaire crétois. J'avais pris le SOAD parce que les autres, au collège, ils trouvaient ça cool. Une raison comme une autre. Il y a aussi ce best of de Pantera, lors d'un voyage scolaire, qui devait damer le pion à Slayer et son God Hates Us All. J'étais l'anti-star du bus avec ça. Et encore ce Candlemass éponyme acquis pendant les émeutes grecques comme symbole de soutien à ce sympathique peuple. Le rapport avec le sujet ? Aucun. Enfin si, un, quand même : j'ai acheté The Light at the End of the World (TLatEotW) à Bergen, Norvège, la ville du black metal ! Autant dire que derrière l'achat se terraient des attentes...
... des attentes vite déçues lorsqu'elles portent sur le black. Car non, malgré la perte du violon et les expérimentations mal reçues de 34,788...%, les Anglais ne changent pas de cap stylistique. Faisant machine arrière, comme le font souvent les groupes ayant tenté d'évoluer et s'étant heurté à un mur de fans en rogne (Paradise Lost avec Host, Megadeth avec Risk...), MDB cesse d'innover et s'enfonce plus avant dans un doom / death dont il maîtrise désormais les ficelles, avec ou sans violon. Et c'est peu dire que le jeu commence fort avec ce "She Is The Dark", le hit ultime de la mariée. Guitares fantômatiques, voix claire geignarde, ambiance poisseuse... et puis le choc. Tout s'emballe passée la deuxième minute. Le versant death - lui-même teinté de black, pour le coup - déboule et dévaste tout sur son passage en conservant un tempo ma foi bien trop élevé pour du döOoöm. Plus radical encore sera "The Fever Sea", véritable brûlot de death old-skûlh qui, du haut de ses 4 minutes, gagne la médaille du morceau le plus court et le plus virulent d'un album par ailleurs habitué aux longueurs. Malheureusement.
Parlons-en, de ces longueurs, elles qui c-(g)-achent souvent des passages qui auraient du être autrement plus percutants. C'est qu'avec sa grosse heure et ses gros pieds, cet album est loin de rivaliser avec la grâce du cygne. Principal défaut, donc, une longueur excessive qui se retrouve sur la majorité des titres. "Edenbeast", qui débarque après la tuerie d'ouverture, casse directement l'ambiance. Comme ça. Pouf. Le soufflé retombe. Dommage, car en ne gardant que la seconde moitié du morceau, mélancolique en diable, armée de mélodies de guitares harmonisées, la piste aurait pu passer comme une lettre à la poste. Idem sur l'excellent morceau éponyme. D'un lyrisme rare, sombre et lumineux comme son titre l'évoque, le morceau traîne pourtant la patte. Enlevez le gras et vous obtenez l'un des meilleurs titre du groupe. Là, il sera juste très bon. Inutile d'énumérer les morceaux affectés par la maladie puisque tous le sont, notamment sur la seconde partie du CD, qui enchaîne trois titres recelant tous de bons moments mais, au final, tous quelconques ("Into The Ghost Lake", "The Isis Script" et "Christliar"). Les riffs, pas mauvais, y sont répétés à l'envi jusqu'à saturation.
Et la fluidité du bazar n'est pas aidée par une production rêche comme une langue de chat faisant perdre de la puissance dans le rendu final. Heureusement, une fois les défauts occultés, l'album se révèle délicieux comme un jambon sans couenne. Dans la plus pure tradition du groupe. Là où le violon menait autrefois la barque, les claviers (un peu cheap, OK) jouent les remplaçants avec succès. Le chant parlé d'Aaron, conformément au cahier des charges, reste habité et envoûtant, à l'instar de ses textes, toujours très réussis. La section rythmique reste elle aussi fidèle à elle-même : efficace et variée. Mais le gros du boulot revient une nouvelle fois aux guitares façonnées par le Sir Craighan. Identifiable entre mille, son jeu alterne entre mélodies lancinantes, touchantes, répétitives ("TLatEotW", "Sear Me III", "Christliar"...) et relents death trouvant, à l'époque, encore droit de cité dans la musique du combo ("Edenbeast", "The Fever Sea", "Christliar"...). TLatEotW se la joue donc 50/50. Ni le versant death ni le versant romantico-gothique ne prennent le pas l'un sur l'autre. Chaque piste balance entre les opposés, à l'exception de l'exclusivement death "The Fever Sea" et du 100% romantico-doom "Sear Me III", meilleur piste du trio des "Sear Me" (non, sans blague, on en chiale de ce "III", vous verrez).
D'une intégrité douteuse sur ce coup-là, les Anglais accouchent pourtant d'un opus honorable : typiquement le genre de CD un peu bancal mais dont l'équilibre précaire fait une grande partie du charme. Pour retrouver un équilibre idéal, il faudra aller voir du côté de The Dreadful Hours car pour l'heure, si ce n'était ces passages à vides ou boursouflés qui émaillent les différentes pistes en faisant régulièrement retomber la pression, The Light aurait pu être l'album maître de My Dying Bride. Mais non, pas encore... Le conseil du jour est donc le suivant : couper l'écoute en deux fois, en effectuant la césure après le morceau éponyme. Alors oui, je sais, le procédé relève du blasphème. Mais voilà, ça passe mieux en aérant le propos. Et c'est un amateur d'Esoteric qui vous le dit.