Après un Youthanasia soporifique, Megadeth redresse la tête et effectue un grand retour en enregistrant l'album que l'on attendait de lui, un album qui devrait faire plaisir à tout le monde, à la fois aux vieux fans des albums thrash et aux fans venus sur le tard. Cryptic Writings n'a en fait pas vraiment de direction musicale prédéfinie, il part un peu dans tous les sens. Compilant les facettes des trois albums précédents (le speed de Rust In Peace, le heavy de Countdown To Extinction et le commercial de Youthanasia), tout en proposant une ouverture vers l'avenir avec quelques plans pop que l'on retrouvera sur Risk, voilà en gros comment on pourrait définir Cryptic Writings.
Même si ce n'est pas le chef-d'œuvre absolu et même si les vieux fans le trouveront certainement trop commercial (malgré la présence de titres speed), Megadeth a parfaitement réussi à combiner tout ce qu'il y a de meilleur en lui, ce qui donne un peu l'impression d'écouter un album "best of". La production de Dann Huff est énorme et booste Megadeth à un niveau supérieur en terme d'arrangements, avec l'utilisation (abusive parfois) de gadgets en tout genre (claviers, instruments à corde, effets de guitare présents dans les intros surtout). La basse est également davantage mise en valeur ce qui lui donne par moments des sonorités groovy, nous y reviendrons. Quoiqu'il en soit, tout est plus aéré ici que sur le très mécanique Countdown To Extinction, Megadeth parvient à mieux utiliser sa technique, surtout Nick Menza.
Cryptic Writings est le genre d'album que l'on prend beaucoup de plaisir à écouter, même si au final, il contient très peu de classiques. A part l'excellent "She-Wolf", je n'en vois aucun capable de rivaliser avec des "Symphony Of Destruction", "Hangar 18", "In My Darkest Hour", "Looking Down The Cross" … "She-Wolf" contient tout ce qu'il faut pour être heureux : un refrain qui tue, mélodique et entêtant, des gros riffs thrashy et de superbes harmonies à la fin, signés Marty Friedman. Quelle immense privilège de voir le retour des titres speed qui fracassent tout : "The Disintegrators" et "FFF" rassasieront les appétits thrash féroces, sans omettre toutefois de placer quelques plans mélodiques (sur le refrain de "The Disintegrators", avec les claviers, les puristes trouveront peut-être ça un peu décalé). Le disque commence calmement avec les singles : "Trust", du heavy efficace et "people-jack" avec un break acoustique de toute beauté avant d'enchaîner avec une montée en puissance digne des belles heures de Countdown To Extinction. Marty y place un solo à couper le souffle, très court, nullement démonstratif. "Almost Honest" est également heavy et assez soft avec le chant de Mustaine dénué d'agressivité et un refrain pop magnifique qui préfigure le style de Risk.
Comme d'habitude, l'ami Mustaine en fait des tonnes au micro comme sur l'acoustique pop "Use The Man" où il se la joue Noel Gallagher version metal, ça braille à n'en plus finir. "Use The Man" devient plus heavy vers la fin, du heavy facile et accessible quand même, à l'image de tout l'album d'ailleurs car Cryptic Writings est l'album prévisible par excellence. Une seule écoute suffit pour le comprendre, ce manque de surprises peut finir par lasser assez vite. Sur l'épique "Secret Place" et ses sonorités orientales, Dave Mustaine retrouve ses intonations de sorcière, parfois un peu irritantes à la longue. C'est qu'ils aiment faire durer les refrains sur ce disque, à la fin des morceaux, avec les arrangements symphoniques faits maison (sur "Trust" et "Secret Place" surtout). Tous ces artifices ne sont pas indispensables à mon avis, enfin... Place au Megadeth "evil" avec le groovy "Mastermind" (surtout sur les parties solos, très rock), "Sin" et "Vortex" qui contiennent à eux trois des riffs killer à n'en plus finir (surtout sur "Vortex", c'est un festival de riffs, ça nous change des couplet-refrain couplet-refrain des deux albums précédents). Reste le boulet de Cryptic Writings, "Have Cool Will Travel" où Megadeth se la joue rock 'n' roll, ça groove à fond dans les chaumières avec l'harmonica et tout ! Ce style ne correspond pas trop à Megadeth, ça sonne un peu décallé, y'a juste l'intermède pop au milieu avec les arpèges pour sauver le morceau.
Beaucoup plus varié que Countdown To Extinction et Youthanasia, écouter un album de Megadeth ne devient, pour une fois, pas ennuyeux à partir de la septième piste, c'est l'immense qualité de ce Cryptic Writings. Pour certains, il représente le dernier bon album de Megadeth et pour les puristes, le "vrai" Megadeth est mort.