1990. La scène thrash américaine passe d’une décennie à l’autre dans l’effervescence la plus totale. A l’époque, Slayer catapulte Seasons In The Abyss au visage des métalleux abasourdis. Testament livre Souls Of Black et rassure après un Practice What You Preach un tantinet décevant. Pantera débarque et écrit avec Cowboys From Hell les premières pages incandescentes de son répertoire. Et Megadeth… Megadeth sort Rust In Peace. Vous l’avez compris, 1990, c’est l’apogée du thrash, le point culminant d’un style qui s’apprête sans le savoir à entamer une longue traversée du désert, ballotté entre splits douloureux et démocratisation à outrance. Ca calme une intro pareille, hein ? Peut être, mais avant de vous passer la corde autour du cou, dirigez vous lentement vers votre tour à CD, enfilez Rust in Peace dans le premier mange-disque venu et savourez la légende.
Mais surtout, savourez la dernière œuvre thrash que Megadeth livrera à ses fans. Après, vous le savez, le groupe entrera peu à peu dans un autre univers, un univers formaté mainstream et régi par les lois de la mélodie qui fait mouche, et du texte poignant. Mais en 1990, on n’y est pas encore. Cette année là, le jeune Mustaine n’a pas tout à fait étouffé la colère et l’agressivité (devrais-je dire l’alcool et la drogue ?) qui le rongent depuis ses débuts. Pour commencer, un album et puis s’en va, Jeff Young et Chuck Behler plient bagage, et se font remplacer respectivement par un technicien et un compositeur hors-pair, Marty Friedman, et par le métronome Nick Menza. Mustaine peut être fier de son coup, en plus de se créer une écurie réellement impressionnante, il parvient à se doter d’un line-up dont la stabilité ne se résumera pas à une paire d’années, le temps d’écrire un album. Ce qui faisait un peu défaut au groupe jusque là…
Ainsi réunis, les quatre compères firent ce que l’on attendait d’eux, en livrant un album mature, mythique, et vibrant d’une énergie enfin domestiquée… C’est bien simple, il y a du bon dans chaque album de Megadeth, parce qu’il y a toujours ce morceau qui fait la différence et dont le riff est comme une empreinte marquée au fer rouge dans votre subconscient. C’est un peu romancé ce que je vous raconte là, mais c’est vrai. A chaque album son (ou ses) classique(s) incontournable(s)… Mais là c’est la folie. Rien que pour le tryptique "Holy Wars…", "Hangar 18" et "Tornado Of Souls", l’album mérite d’être acheté et écouté cent fois. Après avoir écouté çà, la production faiblarde, à la limite, on s’en fout… "Take No Prisonners" vous parait trop bourrin ? "Dawn Patrol" ne ressemble à rien ? "Rust In Peace" est lourdingue ? Pas grave. Après avoir goûté à l’efficacité brute et aux riffs extraordinaires développés dans ces trois morceaux, vous n’y penserez même plus.
Et c’est çà qui est magique en fait. Vous allez considérer cet album comme un vieux pote, dont vous connaissez pertinemment les défauts, défauts que vous avez choisi d’ignorer avec le temps. Je ne vais pas rentrer dans les détails, car vous avez bien compris qu’une écoute (ou plutôt une réécoute, rassurez moi) vaut mieux que tous les discours du monde. Et puis franchement, l’objectivité, pour ma part, c’est grillé. Posez juste une oreille ici et là, du déboulé d’arpèges aux consonances arabisantes de "Holy Wars" à la furia sonore qui conclue "Hangar 18" et qui vous laisse à genoux, les cheveux plaqués au visage. Et mettez vous en tête que "Rust in Peace" n’est pas simplement un album, mais carrément une icône du thrash ricain, dans ce qu’il faisait de mieux et de plus jouissif. On appelle ça le devoir de mémoire je crois ;-)) …