Après deux petites années d’errance et de tâtonnement musical suite à la séparation de Deep Purple, David Coverdale s’est assez vite remis dans le droit chemin, celui du rock teinté de blues. Entouré d’une formation efficace et pertinente pour la direction musicale qu’il s’est fixé et fort d’un mini album assez prometteur, il est temps de se lancer dans la conception d’un véritable premier album.
Lorsque Trouble sort en octobre 1978 une première surprise est à noter au niveau du line up. Le fade Pete Solley a disparu, remplacé pendant l’enregistrement de l’album par une vieille connaissance du maître des lieux, un certain Jon Lord. Coverdale a en effet réussi à convaincre son ancien compère de Deep Purple de le rejoindre dans sa nouvelle aventure. Les claviers et notamment l’orgue Hammond sont donc plus présents et d’un niveau musical largement supérieur à ce qu’on trouvait sur Snakebite (dont les 4 titres sont présents en bonus sur la réédition remastérisée de Trouble sortie en 2007). Pourtant plus attiré par nature par la musique classique, Lord prendra plaisir à jouer le hard rock bluesy simple et direct de Whitesnake, et lui apportera ainsi une grosse touche de raffinement, de classe et de musicalité, en tout cas pendant les premières années qu’il passera dans le groupe.
L’album débute sur un rythme effréné par une véritable tuerie. "Take Me With You" a déjà toutes les caractéristiques du brûlot du Whitesnake première époque : groove énorme, refrain irrésistible, musiciens qui sans être des génies sont d’une efficacité redoutable, voix magique et paroles salaces. Le genre de morceau qui prend possession de votre corps et vous fait taper du pied en rythme sans même vous en rendre compte. Dans le même style on retrouve "Don't Mess With Me" et surtout l’excellent "Lie Down (A Modern Lovesong)" aux paroles savoureuses bien plus recherchées que ce que son excellent refrain pourrait laisser croire (« Lie down, I think I love you, Lie down, I think I care »), comme souvent avec les lyrics de Coverdale. Ce morceau est aussi l’occasion pour David de partager le micro avec son guitariste Bernie Marsden sur le pont chanté à deux voix.
Dans un style différent, car l’album est plutôt varié, on trouve deux magnifiques compositions plus soft et au feeling bluesy. Le délicat "Love to Keep You Warm" et l’entraînant "The Time Is Right for Love" font parti de ces chansons attachantes qu’on réécoute toujours avec plaisir car elles procurent une douce sensation de bien être. Le title-track "Trouble", mid-tempo hanté par cette confession d’un bad boy qui aurait pu être signée Bon Scott, atteint également son but, avec notamment un très beau solo de guitare et sera longtemps joué sur scène. Curiosité de l’album, le "Day Tripper" des Beatles est repris ici dans une version un peu lourdingue, prétexte à quelques expérimentations à la talk box de la part de Marsden. Quant à l’instrumental "Belgian Tom's Hat Trick" il permet le constat suivant : un morceau de Whitesnake sans la voix de Coverdale c’est presque comme une chanson de Malmsteen sans guitare… quel intérêt ? Pas de quoi bouder son plaisir cependant.
Ce premier album est donc une grosse satisfaction et apporte tout ce qu’on était en droit d’en attendre. Whitesnake a déjà trouvé son style : un hard blues accrocheur qui vient des tripes, où les chansons passent avant les exploits de virtuose des musiciens et avec ce petit truc en plus qui fait la différence et qu’on appelle la classe. Le meilleur est à venir…