Au moment de s’attaquer au successeur de Lovehunter, toutes les pièces du puzzle Whitesnake sont enfin assemblées. Après Jon Lord, c’est Ian Paice qui a rejoint le groupe, portant à trois le nombre d’ex Deep Purple au sein de la formation. Forts de ce line up de rêve, de deux premiers albums qui ont permis au groupe d’affiner ses qualités de composition et de tournées qui ont renforcé sa cohésion, tous les éléments sont réunis pour accoucher d’un chef d’œuvre. Le groupe va-t-il se montrer à la hauteur ?
Autant tuer le faux suspense tout de suite : comme l’indique la note, Whitesnake a répondu avec cet album à toutes les attentes qu’on pouvait placer en lui, et même bien au-delà. Si la perfection existait ici bas, le morceau d’ouverture "Fool For Your Loving" en serait un excellent exemple : le meilleur du groupe résumé en 4m17s. Du riff d’ouverture au solo, de la hargne des couplets à la mélodie du refrain, du son chaud des guitares au groove de la batterie, tout ça survolé par la voix chaude et passionnée de Coverdale mise au service d’un texte direct et sincère, on touche ici au sublime. Peut-être la meilleure chanson de l’histoire du groupe, la plus complète en tout cas. La présence de Paice derrière les fûts se fait tout de suite sentir. La section rythmique qu’il forme avec la basse de Neil Murray restera longtemps dans les annales et a peu d’équivalents, aujourd’hui encore. Quel groove ! Quel feeling ! Quelle classe ! Coverdale a monté une véritable dream team autour de lui.
Difficile d’enchaîner après un tel chef d’œuvre pensez-vous ? Prenez-vous "Sweet Talker" entre les dents et on en reparle. Le groupe envoie la sauce sur un rythme effréné qui n’est pas sans rappeler le "Take Me With You" du 1er album. Et comme si ce n’était pas encore assez, voici qu’arrive le title track, histoire d’achever les derniers survivants dans une orgie lubrique. Impossible en effet de ne pas se trémousser comme une vulgaire strip teaseuse à l’écoute de ce riff si sexy, ou de ne pas chanter à tue tête les « Sweet Satisfaction »du refrain avec concupiscence. Un des morceaux les plus bandants de l’histoire du rock, si vous me permettez ce langage. Peut être également la chanson la plus emblématique des thèmes chers à Coverdale, qui sait toujours être salace et classe à la fois. Marsden et Moody, souvent sous estimés par rapport à leurs successeurs, font ici la démonstration de tout leur talent. Petite pause avec le mélodique et sympathique "Carry Your Load", avant un nouvel enchaînement divin.
Le groupe a réenregistré la ballade soul "Blindman", déjà présente sur le premier opus solo de Coverdale. Cette supplique d’un homme en quête d’amitié gagne en profondeur et constitue véritablement l’un des sommets d’émotion de la carrière du chanteur. Quant à ce "Ain’t Gonna Cry No More" à moitié acoustique et sur lequel Jon Lord livre un magnifique solo, c’est l’un des morceaux à faire écouter en priorité à quelqu’un voulant découvrir le groupe, tant il regroupe toutes les composantes de Whitesnake de manière efficace. Encore un grand classique ! La fin de l’album peut paraître d’un niveau légèrement inférieur au reste mais c’est plus par comparaison que dans l’absolu. Seul le blues lourdaud "Love Man" traîne un peu la patte, le boogie de "Black And Blue" (en faux live) et le groove de "She’s a Woman" étant des pièces de choix pour conclure l’album. Un inédit et quelques titres live (dont le "Mistreated" de Deep Purple) font figure de sympathiques bonus sur la réédition de 2007.
Whitesnake n’a donc pas failli à sa mission : passer à la vitesse supérieure et réaliser tout simplement un classique intemporel et indémodable. Nombreux sont les fans qui considèrent Ready An’ Willing comme le meilleur album du groupe, toutes périodes confondues. Ce disque presque parfait, assez varié et plus hard que ses prédécesseurs, marque en tout cas le début de l’âge d’or de Whitesnake, période bénie pendant laquelle le line up et la qualité des albums seront constants, avant les premiers bouleversements. En attendant et comme le dit l’homme à la voix d’or : «Are you ready and willing ? Cause we are! »