S'il y a bien un album que les amateurs de metal en général attendaient comme le messie en ce début d'année, c'est bien le nouveau Judas Priest. Après quinze ans de traversée du désert pour ces chers Anglais, c'est à dire depuis Painkiller en 1990, l'annonce fut fracassante: le groupe de heavy metal le plus estimé allait se reformer avec Rob Halford au chant! Un séisme pour les fans, à vrai dire: divisés par la prestation de Tim "Ripper" Owens sur les derniers albums du groupe, parti depuis rejoindre les rangs d'Iced Earth, les fans de la première heure ne pouvaient qu'accueillir la nouvelle avec enthousiasme. Angel Of Retribution est donc le fruit de cette nouvelle collaboration avec Halford. J'avertis tout de suite ceux qui liront cette chronique, avant d'entamer la suite: je ne suis pas fanatique de Judas Priest; c'est donc avec un oeil à priori vierge de toute subjectivité que je vais, je dis bien, essayer de faire de mon mieux pour donner un avis impartial sur ce disque. En ce sens, les contre-chros ultra positives vont pleuvoir (parce que pour l'instant, c'est une majorité d'avis positifs et "achetés" que j'ai lu) et les menaces d'incultisme avec... Mais j'assume la suite de cette chronique à cent pour cent.
Bref, le heavy metal dans son assertion la plus pure, c'est un style que je continue de plus ou moins détester. C'est mal parti... Mais Judas Priest fait donc partie de ces groupes légendaires, c'est donc avec intérêt que je me suis plongé dans l'écoute de Angel Of Retribution. Première constatation: le chant de Rob Halford. L'élément fédérateur de ce groupe, c'est bien lui, mais il faut se rendre à l'évidence: il chante horriblement mal. Juste, mais il possède un style horripilant au possible. Sur "Judas Rising", démarrant sur les chapeaux de roues dans le plus pur style du groupe, ses lignes de chant sont aversives au possible. Non, l'intérêt de ce titre réside dans sa section rythmique constamment au taquet: double pédale sur une rythmique mid-tempo, Scott Travis fait un excellent boulot. Et ce sera le cas pour la majorité des morceaux composant cet album, qui ne bouleversera pas les canons du genre: titres plus ou moins enlevés, des rythmiques béton pour la plupart, mais très peu inventives et des soli de guitare, ma foi, fort jolis, mais qui font parfois office de remplissage.
Les morceaux les plus rapides sont d'une rare banalité et demeurent ancrés dans un classicisme typé années 70 ("Judas Rising", "Deal With The Devil", "Demonizer"), à part un "Hellrider" monstrueux, débutant sur un riff psyché très agréable, doté d'une double grosse caisse impressionnante et d'un solo intermédiaire hallucinant: le meilleur morceau de cet album à coup sûr, au refrain imparable. Les morceaux plus lourds, quant à eux, rehaussent un ensemble prévisible au possible. "Worth Fighting For", plus lent, limite ballade heavy, voit un Halford chanter un octave plus bas et du coup, ses lignes de chant passent comme une lettre à la poste. Exemple d'un morceau réussi, plus moderne dans la sonorité des guitares. "Wheels Of Fire" représente, à ce titre, un excellent et classieux réservoir à riffs tranchants pour la paire de guitares anglaises, au feeling toujours présent et dont la technicité ne les pousse néanmoins pas à la démonstration.
Les deux morceaux acoustiques "Angel" et surtout "Eulogy", très atmosphériques, mais complètement hors de propos sur cet album, montrent un groupe qui a le cul entre deux chaises. D'un côté, innover (un peu), moderniser l'enrobage pour coller au contexte actuel; "Lochness", à ce propos, fait dans le long et crescendesque morceau de treize minutes (à la mode), à l'introduction quasiment doom (deux riffs qui se battent en duel pour une ambiance très sombre) qui décolle en son milieu, suite à un break solo-esque de Tipton, pour finir en beauté sur des riffs impressionnants. D'un autre côté, une volonté de ne pas surprendre et d'en découdre de nouveau avec un passé glorieux (car après tout, c'est la reformation qui demeure l'attrait principal de ce disque, non?).
S'en suit donc une impression très mitigée, en partie à cause d'un tracklisting très hétéroclite et pas forcément lié par un fil conducteur. Judas Priest ne surprend vraiment pas, malgré quelques bouts d'essai pas forcément transformés et reste ancré dans son passé (Halford a ressorti pour l'occasion le cuir clouté, ahem...) tout en touchant du doigt la modernité. Le groupe ne s'est très certainement pas remis en question et les automatismes ont dû être légion lors de l'écriture de cet album très classique, parfois ennuyeux (la première partie est d'une banalité impressionnante) et pas forcément fédérateur, malgré des qualités incontestables (la technique, le feeling). Angel Of Retribution est un album loin d'être inoubliable; c'est un gros pet dans l'eau, en fin de compte: ça fait beaucoup de bruit pour pas grand chose.