Il est de ces come backs qui ne trompent personne, et ainsi, il y a deux façons de constater le résultat. Soit le cheval de retour donne la sale impression d'être bloqué, soit il constitue l'exploit de faire un peu autre chose, et ainsi de séduire. Et même des fois on a juste envie de les revoir en live. Pour ceux qui ont visiblement réussi, il y a ceux comme Iron Maiden avec Bruce et Adrian Smith, puisque Brave New World a été bien accueilli. Pour Burzum, si à sa sortie de prison, Varg Vikernes semble avoir séduit avec ses deux nouveaux albums, ce n'est pas le cas avec les ré-enregistrements de morceaux des débuts. Terrorizer, ou plutôt Pete Sandoval, lui, se plante lamentablement avec Hordes of Zombies dont le titre ne donne même pas envie. Sérieux : c'est à quinze ans qu'on pond ce genre de titre ! Slayer, en faisant réintégrer Lombardo, fait plaisir en live mais pas vraiment en studio. Mais bon, vu les tournées harassantes, il faut comprendre un peu.
Bref, avec Voïvod, le pire pouvait être craint, même si les 3/4 du line-up mythique sont réunis sans Piggy. A cela une raison : la pochette. Voilà, inutile d'en dire plus, mais si Voivod est évoqué à côté du come back de Pete Sandoval c'est pour un seul nom : Blacky. Disparu depuis le décevant Angel Rat, sorti après la carrière si particulière et pourtant si cohérente dans les années 80. Newsted, jamais assez remercié pour avoir assuré la succession de Cliff Burton, accompagna Snake pour trois albums, dont les deux derniers semblent condamnés à l'oubli et aux gémonies, de heavy bizarre des années 2000. Après son départ, Voivod s'enticha d'un nouveau guitariste. Ayant déjà bossé pour Gorguts, cela prouve sa capacité à faire dans le brutal. D'autant qu'il s'agit d'un fan et professeur d'un collège constituant de Lanaudière pour du jazz ou du rock. Voivod revient donc avec un titre, "Kaleidos", qui aurait remporté un certains succès. Et sur disque, et bien... C'est confirmé tout au long de l'album ! A nouveau, car ça n'arrive pas souvent, il faut regarder au delà de la pochette et y voir un excellent retour au metal progressif, nanti d'ambiances spatiales / tortueuse / nucléaires de la grande époque. La production est froide, très claire et laisse la place à la basse et aux guitares. "Chewy" (mon dieu, le nom) impose des riffs torturés et tout de même structurés, même si on se serait bien passé de certaines intros de morceaux. Celle de "Kulsap O'Kom" par exemple, est limite assez énervante, mais celle du bon "Warcaïch", en revanche, est plus inquiétante, mieux dans l'esprit spatio-cybernétique.
Ajoutez à cela une batterie martelante, variant les rythmiques allant même jusqu'à accélérer sur "Corps Étranger" ou encore "Mechanical Mind". Snake, de son côté, hésite entre son chant singulier de Nothingface et les éructations punk sur Killing... et Rrröööaaarrr!!!. Mais surtout la basse est vraiment, mais vraiment très présente : à la fois lourde et agressive, signifiant le retour du type à la quatre cordes encore plus horrible que sur les instruments visibles dans une scène du film Métal Hurlant. Ainsi, Voïvod ne régresse pas bêtement comme l'a fais Terrorizer, après le retour raté et même honteux des années 2000. En fait, c'est vraiment à une fête pour la réunion du line-up de la légende, avec Piggy malheureusement emporté par la maladie, auquel cet album fait penser, pour le bonheur des fans comme de ceux qui ont dû vomir en écoutant les deux premiers albums. Target Earth est en effet album préparé, fignolé pour fêter les retrouvailles avec celui qui avait quitté l'aventure 20 ans plus tôt. Pour le reste, le groupe semble à nouveau changer un peu de direction, tout en proposant une ré-actualisation de l'époque où il ne faisait pas comme les autres. Les riffs, tantôt speed / thrash, tantôt heavy, mais distillant cet aspect nucléaire, étrange, et cette ambiance si chère font mouche, et le niveau technique a considérablement augmenté sur des morceaux distillant cette ambiance.
Les solos sont plutôt très classiques, accompagnés par la basse qui tient, il faut le préciser, presque son propre rôle, et arrive à se montrer imposante. Les titres "Resistance", "Artefact" et surtout le second morceau, notamment parce que Snake revient à son chant punk dur et dru, donnent la pêche. Mais la révolution n'est pas du niveau de The Outer Limits, seul album post-80's qui a su proposer un vrai changement de style après le concept initial du groupe via un disque plus classique et plus heavy, tout en gardant un créneau similaire. Et parfois, Snake peut finir par être pénible de par un timbre plus trop en forme. Pour autant, l'aspect le plus surprenant et le gros avantage de ce disque, c'est que "Chewy" ait réussi à imposer son propre jeu et ses riffs tout en restaurant les ambiances issues de certains arpèges de Dimensions Hatröss et Nothingface. Et ce, paradoxalement, avec le retour dans l'équipe de Blacky, à qui Piggy a dû apprendre à jouer de la basse après War And Pain. De par cet aspect, les quatre déglingués réussissent à remonter la pente malgré quelques défauts. Et bien entendu, il semble admis que ce groupe ne rejettera jamais un regard vers ses débuts, mélange de Venom, de hardcore et de bizarreries. Sauf peut-être sur l'étrange et hargneux "Corps Étranger", aux paroles en français, tiens. Quant au dernier morceau, il semble être un des plus courts du groupe et difficile à juger même si cette fois, Snake et Away se lâchent avec une dernier pincée de thrash progressif
Voïvod peut ainsi nous laisser devant deux choix : rester sur sa faim devant cette synthèse qui ne réinvente pas grand chose, et s'émerveiller par une telle maîtrise et cette synthèse entre Dimensions Hatröss et Killing Technology, donnant ainsi l'impression que le temps s'est arrêté. Mais il reste une énergie, des morceaux puissants malgré certains délires, et le jeu de guitare tout simplement époustouflant. Les fans fêteront le retour de Blacky, le bassiste méchant, sur cet album peu révolutionnaire, mais très bon tout de même, pour remettre les pendules à l'heure concernant l'état du groupe après la mort de Piggy. Et puis, une fois n'est pas coutume, le groupe est resté lui-même : il a de nouveau changé d'atmosphère pour le nouvel album, et gardé sa cohérence. Cette œuvre tant attendue a donc relevé le défi, et mérite sa place aux côtés des autres skeuds et aussi ceux de leur héritier Vektor.