Alors que Going For The One représentait le début de la fin concernant l'ère créative de Yes, Tormato annonce clairement que le line up légendaire ne va pas tarder à partir en sucette. Rien de mauvais sur Tormato, Yes continue à jouer du rock progressif, mais du progressif complètement aseptisé par les claviers de Rick Wakeman. Ses sonorités synthétiques prennent toute la place, au détriment de la guitare de Steve Howe ce qui gâche pas mal de morceaux. Ça commence à sentir le roussi dans la musique de Yes et un besoin de renouveau, d'air frais se fait de plus en plus ressentir...
Comme je le disais plus haut, Tormato n'est pas mauvais mais il a terriblement mal vieilli à cause de Rick Wakeman. Pourtant, on peut recenser de bonnes idées tout au long de ce disque, surtout au niveau des mélodies d'un Jon Anderson toujours aussi performant et pour la basse de Chris Squire qui n'avait jamais été autant placée en avant (certaines parties de basse sont d'ailleurs plutôt "chelous" pour parler à la d'jeun). Le morceau d'ouverture, la suite "Future Times / Rejoice" le montre bien, l'inspiration est bien présente mais les claviers modernes pour l'époque (et donc horriblement vieillots aujourd'hui) sont à la limite du supportable.
Ne parlons même pas du baroque et pompeux "Madrigal", que l'on croirait presque emprunté aux albums solos de Rick Wakeman. Tormato est un album pour le moins bizarre, et on se demande bien d'où leur est venu l'inspiration. Peut-être de l'au-delà ? ("Arriving UFO" qui porte bien son nom) L'intro de "On The Silent Wings Of Freedom" est également assez spéciale, une partie instrumentale incongrue où Yes ne parvient plus à nous faire vibrer comme au temps de sa splendeur. Tormato est sans doute trop cérébral et pas assez spontané.
Et où donc est passé Steve Howe ? Sa guitare autrefois d'une vélocité à toute épreuve se contente désormais de placer quelques plans rock 'n' roll et de courts solos d'accompagnement, en retrait derrière maître Wakeman, rien de plus. Les meilleurs morceaux sont d'ailleurs ceux où Wakeman a le moins participé à l'écriture comme le très rock et décapant "Release, Release", dans la lignée du classique "Going For The One", et les très doux "Circus Of Heaven" et "Onward" qui mettent bien en valeur Jon Anderson. Ces titres là ont l'avantage de ne pas sonner kitsch et vieillots contrairement à "Don't Kill The Whale", une sympathique BO pour feuilletons américains des années 70.
En tout cas, Tormato constitue une relative déception et il est certain que les morceaux, réarrangés autrement sans la main mise de Rick Wakeman, auraient eu une toute autre gueule. A l'avenir, nos chevelus de Yes ont le choix : soit redresser la barre pour le prochain album afin de ne pas dérouter les fans de prog, soit prendre le risque de se renouveler pour de bon quitte à s'éloigner du standard progressif...