Flash-back vingt ans en arrière pour cette chronique, qui nous ramène aux balbutiements du speed-metal avec l'album fondateur. Avant l'irrésistible paire de Keeper Of The Seven Keys, Helloween avait une vie : Walls Of Jericho, l'album qui lie les musiciens à leurs racines, où l'on reconnaît plus facilement l'influence manifeste de combos comme Judas Priest et Iron Maiden. Plus hargneux et plus rapide que ces derniers toutefois, Helloween ne mettra pas bien longtemps à développer son propre style. Les premiers pas d'un futur grand, forcément émouvants rétrospectivement, qui mettent déjà en valeur un potentiel certain.
Kai Hansen n'a pas attendu l'album Land Of The Free de Gamma Ray pour se mettre à chanter. Aux débuts d'Helloween, c'était déjà lui qui officiait derrière le micro. Les cris sur-aigus et irritants sont légion, mais les mélodies vocales sont travaillées et - replongeons-nous dans le contexte - plutôt novatrices à l'époque. Pas de demi-mesure avec ce chant: on aime ou on déteste. La production cra-cra de ce premier brûlot n'aide pas; mais globalement on ne peut qu'approuver les citrouilles dans leur choix d'avoir engagé par la suite un "vrai" chanteur en la personne de Michael Kiske. Signalons tout de même que l'ami Kai a eu le temps de largement progresser depuis. Question inspiration en revanche, le bougre est déjà au taquet, suivi de très près par son collègue Weiki. "Starlight", "Victim Of Fate", "Heavy Metal (Is The Law)", ou "Gorgar" sont des petits condensés de talent à l'état pur, qui posent déjà les jalons du groupe sur le circuit metal. Les riffs bastonnent de partout ("Warrior", "Murderer", "Ride The Sky"), accompagnée par la section rythmique du bassiste Markus Grosskopf et du batteur Ingo Schwichtenberg (RIP), dévoilent aux oreilles de l'ensemble de la scène européenne ce qu'est le speed. Pas une minute de répit.
Il est étonnant de constater qu'un si jeune groupe parvienne à lâcher un album entier sans gros faux pas. Certains titres, à l'identité moins marquée que les grosses pointures citées plus haut, sont peut-être plus anecdotiques ("Phantoms Of Death", "Reptile") mais se tiennent correctement à l'ensemble du disque. Cela dit le manque de diversité, en terme de tempo, s'avère bien indigeste à la longue. La double grosse caisse est la marque de fabrique du groupe, et son utilisation est systématique: on est loin des compositions actuelles, plus chiadées et refléchies, moins mécaniques. Loin également des impératifs commerciaux. Cela s'entend. L'esprit «déconnade», en revanche, est déjà là - jetez un oeil au livret -, Helloween créé son image en même temps que sa musique et cela n'est très certainement pas étranger à son futur succès. Le gros point faible de ce premier album, en vérité, est sa production. Très brute et minimale, elle donne au combo un son miteux de garage dont même les puristes true blackeux ne voudraient pas. Que l'on parle des guitares, de la batterie ou du chant, absolument tous les éléments distinctifs du groupe sont mis à mal. Rien de très anormal pour un premier album, qui plus est en 1985; mais l'oreille intransigeante risque de passer son chemin là où la qualité est pourtant bien réelle. Dommage.
Walls Of Jericho n'est pas un album indispensable, soyons clairs. Néanmoins, si le problème de production ne signifie rien pour vous, si c'est simplement la musique «in your face»qui vous importe, vous avez avec Walls Of Jericho un bel aperçu des qualités de composition et d'exécution des citrouilles. Plus heavy que les Keepers, ce premier opus mérite en tous les cas l'attention des fans. Car quelques classiques y sont dissimulés. Mention spéciale, pour finir, au titre "How Many Tears", épique avant l'heure, et à son refrain gigantesque. C'est beau un talent qui naît...