Après le désastre Chameleon, Michael Kiske s'est fait remercier, Ingo Schwichtenberg commence à sentir le contre-coup de l'abus de certaines substances et donc à sombrer dans la maladie, la popularité du groupe est au plus bas... Voilà ce qu'est le champ de ruine Helloween à la fin de l'année 1993. Pourtant, c'est sous-estimer la tenacité d'un certain Michael Weikath, épaulé par un bassiste a qui les citrouilles doivent également la survie, que d'enterrer si vite ces Allemands qui nous ont fait vivre de si belles heures.
Si l'on devait parler d'ères pour évoquer l'histoire des Allemands, ce serait clairement une nouvelle de celles-ci qui commence en 1994. Pour remplacer le blondinet à la voix d'or, Weikath jette son dévolu sur un autre blondinet, qui officie alors au micro dans Pink Cream 69, formation de hard rock qui compte également dans ses rangs Dennis Ward, nom bien connu des amateurs de heavy speed mélodique. Premier pari gagné, puisque l'homme ne cherchera absolument pas à copier son prédécesseur et évolue dans un style beaucoup moins clean, propre et reluisant. Son timbre bien plus agressif et parfois un peu nasillard apporte une agressivité bienvenue aux compositions qui commençaient sérieusement à ramollir ces derniers temps. L'autre nouveau venu, Uli Kusch, n'est pas en reste et son jeu inspiré de celui d'Ingo, la variété en plus, fait mouche. Voilà pour les présentations.
Maintenant, qu'en est-il du contenu de ce décidément intrigant Master Of The Rings ? Et bien il commence par une petite introduction symphonique (à dire vrai, synthétique serait un terme plus approprié). Pour rappel, la dernière qu'il nous ait été donné d'entendre datait du Keeper II, et s'il y a des signes qui ne trompent pas, celui-ci en fait partie. Inutile d'entretenir plus longtemps un pseudo-suspens: oui, les citrouilles sont de retour et avec elles, une bonne partie de ce qui avait pu faire leur succès. "Sole Survivor" débute l'album sur les chapeaux de roues, sans chercher à pomper les succès passés du groupe. Les deux nouveaux font d'ailleurs merveille sur ce titre mid-tempo accrocheur, suivi par un "Where The Rain Grows" qui voit le tempo s'accélérer, comme pour rappeler aux fans un peu désabusés que Helloween, c'était aussi un certain savoir-faire dans le domaine et ça l'est toujours.
Pour autant, il serait facile dans ses conditions de crier au miracle, au retour de l'enfant prodigue, à la résurrection inespérée. Un Keeper III, il n'y en a pas et il n'y en aura de toute façon jamais, on le sait aujourd'hui (The Legacy, sorti plus tard, n'étant justement pas ce fameux troisième volume), et Master Of The Rings n'est donc pas l'album parfait. Sa seconde moitié lui fait défaut avec un enchainement de titres assez moyens, même si bien plus agréables à écouter que les bouses pop infâmes auxquelles on a pu avoir droit quelques années auparavant. "The Game Is On", avec ses sonorités sorties de Mario Bros et ses paroles débiles est par exemple assez dispensable. Perdue dans ces faces B, "In The Middle Of A Heartbeat" reste une ballade plutôt réussie, et enterre largement tout ce qui avait pu se faire à ce niveau dans les deux derniers opus du groupe.
Car Master Of The Rings marque aussi l'arrivée d'une nouvelle cohésion au sein du groupe, avec un Deris qui apporte son savoir faire en matière de mélodies hérité de sa formation précédente. L'inspiration semble également de retour chez Michael Weikath qui nous offre quelques bonnes compositions, ça faisait longtemps. C'est ainsi que "Perfect Gentleman" marie à merveille le second degré inhérent aux "Dr Stein" et autres "Rise And Fall" du père Weikath et l'accroche immédiate typique du Hard FM pour un titre simple mais très réussi. On saluera également le retour des twin-leads au détour de quelques soli, qui permettront de se rendre compte que la paire Weikath/Grapow a également quelque chose à dire. Le son a également pris une baffe salutaire et les guitares sont enfin de retour au premier plan.
Il n'en fallait pas plus à des fans implorants et priants au miracle. Et ils étaient encore nombreux, puisque Master Of The Rings sera consacré disque d'or en Allemagne. Voilà comment s'ouvre le deuxième chapitre de l'histoire d'un Helloween qui a décidé que son histoire ne sera pas seulement une tragédie, comme le suicide d'Ingo Schwichtenberg le rappelera quelques temps après. Un album qui a donc aussi pour lui, outre ses qualités, une valeur historique et sentimentale, forcément.