Jusqu'au début de la décennie passée, Helloween avait toujours su, musicalement parlant, garder une longueur d'avance sur la concurrence. On ne reviendra pas sur la période Keepers, mais plutôt sur l'ère Deris-Kusch-Grapow. Pendant que les groupes issus du revival perpétuaient enfin la tradition d'un metal résolument joyeux, lumineux que leur avaient édicté les citrouilles quelques années auparavant, Helloween allait déjà plus loin, en amorçant avec The Time Of The Oath un virage plus sombre qui se conclura sur le très réussi The Dark Ride, malgré quelques trous d'air probablement dus aux dissensions régnant au sein du groupe à l'époque.
D'ailleurs, profitons d'une petite parenthèse pour préciser que si, rétrospectivement, ce changement de direction semble être reconnu comme réussi, il n'en allait pas exactement de même à l'époque, Better Than Raw et The Dark Ride ayant divisé les fans à leurs sorties respectives. Des albums qui s'inscrivent dans la durée et sont unanimement reconnus quelques années plus tard, c'est ce qu'on appelle communément des « grands albums », non? Bref, revenons à nos moutons. Après la sortie de The Dark Ride, Weikath, maitre à bord mécontent de la nouvelle orientation de son groupe, décide de virer Kusch et Grapow. Sauf qu'il choisit d'embaucher son personnel dans la division inférieure... S'ensuivent des albums pas foncièrement mauvais, mais pas foncièrement bons. Sauf que, ayant grillé la carte de l'orientation ténébreuse, Helloween s'est un peu perdu sur le chemin de l'avancée artistique. Cherchant donc à rentrer à la maison, Helloween a tenté de retrouver ses bases en tentant un remake des fameux Keepers. Perdu, la bâtisse s'est avérée beaucoup moins attirante que sur les photos d'époque. C'est donc tout naturellement que, en prenant soin de sauter une étape, Helloween a donc décidé d'arpenter à nouveau la voie des ténèbres, plutôt timidement dans un premier temps, avec Gambling With The Devil, qui n'était pas sans rappeler Better Than Raw en diverses occasions (Avenue). Après un écart dispensable mais osé avec Unarmed, les Allemands tentent donc de poursuivre dans ce chemin, moins défraichi, malgré quelques toiles d'araignée. La parenthèse historique se terminera donc par cette question : est-il raisonnable pour Helloween, 10 ans plus tard, de revenir sur une voie qu'il a lui-même reniée?
Avant même d'étudier le résultat final, on aurait presque envie de dire « pourquoi pas ?» En effet, la meute de suiveur n'ayant toujours pas compris que ce n'est pas en pompant la formule telle quelle que l'on assure la pérennité d'un genre, le heavy speed mélodique, comme on l'appelle dans nos contrées, s'est lentement mais surement cassé la gueule, pour aujourd'hui patauger dans les eaux troubles de l'oubli et de la médiocrité. Finalement, c'est peut-être aux États-Unis que l'on trouve les traces les plus flamboyantes du Helloween d'antan, avec des groupes comme Avenged Sevenfold ou Trivium qui se réclament de cette école tout en apportant leur pierre à l'édifice (c'est à ce moment de la chronique que les crachats commencent à voler). Personne, ou presque, n'ayant choisi de piocher dans la période Better Than Raw/The Dark Ride (pour le moment), on en revient au « pourquoi pas ?» énoncé plus haut. À ceci près que, de fait, Helloween a perdu ses années d'avance entre temps. Il va donc falloir se remettre vite sur les rails. Ce qui nous amène au premier bon point de 7 Sinners : plutôt que de faire dans la redite en choisissant la carte des riffs lourds et des rythmiques plombées, déjà jouée sur The Dark Ride, les Allemands nous assènent un metal beaucoup plus agressif, très rentre-dedans, même si l'opener "Where the Sinners Go" aura tendance à induire l'auditeur en erreur d'entrée de jeu. Pour en avoir le coeur net, passez directement à la deuxième piste, le single "Are You Metal?" qui, malgré son titre ridicule, envoie le bois comme il faut, se permettant même un quasi-blast, ou au moins une sacré accélération de double, en ouverture de la section instrumentale du morceau, sur des vocaux surpuissants de Andi Deris. Ça décoiffe.
D'ailleurs, et c'est le deuxième bon point de cet album, Andi Deris semble être revenu à un bon niveau après quelques années sérieusement inquiétantes. Même si la production ne parvient pas à cacher parfaitement les artifices devenus indispensables avec l'âge et le train de vie désastreux du chanteur (clope, alcool), tels que l'auto-tune, Andi semble comme un poisson dans l'eau dans cet environnement agressif, ce qui n'était plus à démontrer. D'ailleurs, Deris se permet un hommage à Dio avec "Long Live the King" qui, plutôt que de faire dans la ballade sirupeuse pour faire pleurer dans les chaumières, ballade à laquelle on a déjà eu droit en 92 exemplaires environ, reste fidèle à la ligne de conduite de l'album : droit devant, preuve que l'on a retrouvé un Helloween qui ose. Quitte à se planter légèrement, comme ce solo de flûte dispensable que l'on trouve sur "Raise the Noise", solo que l'on pourra retourner dans tous les sens sans en trouver le bon angle d'attaque. Car il ne faut pas s'y tromper : les citrouilles n'ont pas retrouvé l'état de grâce qui faisait se transformer en réussite chaque essai, chaque expérimentation... ou presque. On trouve donc au sein de 7 Sinners quelques sérieuses baisses d'inspiration. "The Smile of the Sun", manque un peu d'inspiration pour en faire un tube, de toute façon plombé par un refrain bien trop quelconque. En revanche, même en bourrinant à tout va, Helloween n'oublie pas son identité et marie même les deux avec réussite ("You Stupid Mankind"), même si on sent que la bride est toujours là, autour du cou, et se nomme Michael Weikath.
Le leader signe à nouveau les titres les plus classiques avec "Raise the Noise" et "The Sage, The Fool, The Sinner", même s'ils ne s'intègrent finalement assez bien au paysage de l'album, souvent grâce à un riff introductif dans le ton, bien qu'ils constituent indéniablement des baisses de niveau. Heureusement (sic), Weiki n'est pas très productif sur 7 Sinners. Même constat pour Grosskopf qui, s'il a (pour une fois) été autorisé à pondre autre chose que des bonus tracks, ne signe pas exactement des tubes, même si encore une fois, rien n'est foncièrement mauvais là-dedans. En revanche, Gerstner est plus en réussite que ses acolytes gratteurs de cordes. Mais dans tout ça - et c'est une constante depuis au moins 3 albums - c'est encore Andi Deris qui s'en sort le mieux niveau composition. C'est bien simple, le chanteur signe quasiment tous les meilleurs moments de l'album. Il se permet même un clin d'oeil appuyé en concluant l'album par un titre long à tiroir, comme à la bonne époque. Même s'il n'arrive pas forcément au niveau de ses illustres aînés, la faute à une structure manquant de liant, on passe tout de même un bon moment. L'accélération centrale rappellera même de très beaux souvenirs aux plus nostalgiques d'entre vous, ainsi que le finish en apocalypse.
Même si l'ensemble est inégal et boitille parfois un peu de l'arrière train (l'âge, sans doute), réjouissons-nous de retrouver un Helloween avec un tant soit peu de fierté, qui avance, qui tente des choses, qui se livre. 7 Sinners est peut-être l'album le plus réjouissant que nous ait offert le combo avec ce line-up, profitons-en. En espérant qu'il ouvre la voie d'un futur plus radieux. Ou plus sombre, au choix.