Helloween peut se targuer d’avoir été au beau milieu des années 1980 à l’origine d’un courant musical de grande ampleur. Aussi bien influencés par la récente New Wave Of British Heavy-Metal, Judas Priest et Saxon en tête, que par les ténors du rock/hard-rock « à l’ancienne » comme Deep Purple ou Rainbow, les Allemands menés par Kai Hansen vont avec leur speed-metal mélodique mettre le souk dans une scène européenne qui n’a alors d’yeux que pour Iron Maiden et Scorpions. Au menu, double grosse caisse à foison, mélodies entraînantes et imparables, voix haut perchée, et image marketing délirante: le tour est joué, Helloween devient un groupe culte, qui va exercer une influence grandissante sur moult formations dans les années à suivre. Le deuxième album Keeper Of The Seven Keys, décliné en deux parties non moins cultes, pose les fondements de cette petite révolution.
Les citrouilles ont été bien inspirées en engageant Michael Kiske au chant. Non content de remplacer avantageusement Kai Hansen, et permettant à celui-ci de se concentrer sur sa guitare et sur la composition, le jeune homme (dix-sept ans à l’époque) va inventer un style, que de nombreux vocalistes tenteront d’imiter, avec d’ailleurs plus ou moins de succès. Le style Kiske, c’est un chant haut, clair, puissant, pas agressif pour un rond, terriblement envoûtant; sa capacité à aller chercher des notes incroyables fera de lui un vocaliste de légende, même si le bonhomme renie aujourd’hui son passé et fait parler de lui pour des raisons moins louables. Bref, assurément LE point fort du groupe, servi avec brio par deux compositeurs hors pair: Michael Weikath et bien sûr Maître Kai Hansen.
Dès ce part I, que beaucoup considèrent – à tort selon moi - comme étant le plus abouti des deux, la recette fait mouche: les classiques "I’m Alive" et "Future World" sont des petits bijoux de happy-metal que vous n’oublierez pas de sitôt. De structure assez simple, ces morceaux ne manqueront pas de vous filer une frite d’enfer. On est bien loin du gothique ou du doom. Ici, on ne se prend pas au sérieux, et diantre ça fait du bien! L’image « déconne » mise en avant par le groupe est bien entendu dirigée dans la même optique et n’est certainement pas étrangère à son succès. En concert ou sur album, la tendance est à la bonne humeur générale, et on se demande toujours pourquoi ces deux Keeper Of The Seven Keys ne sont pas remboursés par la SECU!
"A Little Time" va dans le même sens: pas franchement complexe, mais irrésistiblement accrocheur. "Twilight Of The Gods", de son côté, préfigure ce que sera le part II: claviers et chœurs viennent étayer les mélodies vocales sur une cadence rythmique infernale. La « Helloween-touch » est immanquable sur une telle pièce. La ballade "A Tale That Wasn’t Right" permet à « p’tit Michael », au gosier décidément très performant, d’exprimer pleinement son talent, mais rassemble un peu trop de clichés pour être totalement convaincante. Elle a tout de même le mérite de venir rompre la tension de l’album au bon moment.
Il est impossible quand on se penche sur le cas Helloween de ne pas évoquer les soli de guitare des compères Weikath et Hansen. D’une grande fluidité, ils ne sombrent jamais dans la démonstration technique péremptoire mais apportent réellement de la valeur ajoutée aux morceaux. En duel ou à l’unisson, la paire de gratteux assure méchamment. Le meilleur exemple reste le long "Halloween" (plus de treize minutes), assez prog’ dans l’esprit, dont la structure repose sur un gros travail d’harmonies. Le riff d’ouverture est terrible, complètement déjanté! L’un des meilleurs moments de ce Keeper.
On regrettera toutefois la production maigrichonne, qui ne donne pas assez de relief aux compositions. La deuxième partie rectifiera nettement le tir à ce niveau-là. Autre déception: la courté de l’album, même si les petits malins ont glissé en ghost-track entre deux titres le morceau "Judas", rescapé du premier album Walls Of Jericho. Sept chansons, une outro et puis s’en va. Moins de quarante minutes de musique, c’est un poil léger. Au final on obtient un album certes bon, mais à mon sens plus culte par la symbolique qui s’en dégage que par sa qualité intrinsèque; car Keeper Of The Seven Keys Part II lui sera en tous points supérieur.