En cette sainte année 1986, pour le metal tout du moins, le vaisseau Grave Digger continue de voguer, toujours emmené par son leader et capitaine Chris Boltendahl à la barre. S'étant jusqu'ici laissé porter par les vents métalliques de la décennie, un nouveau cap commence tout juste à se dessiner, bien que le brouillard soit toujours épais, les eaux troubles et le vent menaçant.
Car oui, il y a trace d'évolution sur War Games. Bon, trace d'évolution chez Grave Digger, ça ne veut bien entendu pas dire changement radical, le fan averti s'en doutera bien évidemment. Et de la même manière que son prédécesseur, l'album reste un enchaînement de titres dans lesquels la double pédale, capricieuse, aura grand mal à laisser un peu de place à la sensibilité et aux sentiments. Même chose pour un vocaliste dont le timbre n'est pas vraiment de ceux à faire pleurer mamie un soir au coin du feu en se remémorant ses amours passées. La tout à fait ridicule "Love Is Breaking My Heart" en témoignera, même si on notera un effort indéniable de Chris pour chanter juste. Enfin, par moments. Par moments également, il nous sortira sa voix de tête. Et là, comme le dit l'expression consacrée, c'est le drame. Vous l'aurez compris, on reste donc très largement dans un heavy baisouillant légèrement avec le thrash, sans pour autant faire de cette union un fils prodigue.
Mais d'évolution nous parlions il y a quelques instants, revenons-y. Effectivement, si un titre comme "Fire in Your Eyes" (nom bien ridicule également) semble commencer de manière tout à fait classique, un refrain avec des chœurs et quelques traces de synthé nous projetteront inévitablement quelques années dans le futur, vers quelque chose de plus épique et grandiloquent. Et c'est plutôt réussi. Mais le fossoyeur reste également cette machine à riffs, la bien classique "Paradise" sera là pour vous en convaincre. C'est débile mais ça défoule. Notons également que le tempo a légèrement ralenti depuis Witch Hunter, même si encore une fois, on ne parlera pas de révolution. D'ailleurs, la seule accalmie digne de ce nom (on oubliera la ballade) se nomme Fallout et fera beaucoup de bien à l'auditeur courageux voulant écouter l'album d'une traite. Avec son rythme galopant mid-tempo à la Maiden, ce titre est assez entrainant et tranche avec un ensemble un peu brouillon et chargé, même si c'est assez clairement pompé sur "Stranger in a Strange Land" par moments.
Bref, intéressant album que ce War Games, car s'il reste tout à fait anecdotique qualitativement parlant, on y voit se dessiner les contours d'un futur bien plus prometteur. En attendant, reste que Grave Digger n'a toujours pas convaincu, et ce malgré les nombreuses sources d'émulation qui ont pu jaillir en 1986.