6 ans. C'est le temps qu'il aura fallu à Grave Digger pour sortir de sa torpeur et fricoter à nouveau avec les studios d'enregistrement. N'ayant pas marqué les esprits durant les années 80, le fossoyeur revient pourtant avec une ossature Boltendahl-Lulis intacte par rapport au pourtant plus qu'anecdotique Stronger Than Ever. Le heavy ne se portant pas forcément bien en ce début de décennie, personne ne devait alors réellement attendre quoi que ce soit du combo.
C'est dans ce contexte que sort The Reaper. Ayant encore de nombreuses choses à prouver, c'est le moins que l'on puisse dire, Boltendahl et sa bande ont choisi de mettre tout de suite les points sur les i : finis les errements hard FM, c'est à du bon gros heavy bien lourd auquel on aura droit ici. Passée l'intro, les choses paraîtront de suite beaucoup plus claires après le titre éponyme, brulôt speed du meilleur goût dans lequel la voix de Boltendahl fait merveille dans un style qui lui va comme un gant : le beuglement primaire. Et ça fonctionne, headbang et refrain chanté poing en l'air à l'appui. Bref, premier titre, première tuerie. Si tout l'album ne sera hélas pas du même standard de qualité, il a au moins le bon goût d'être moins inégal que ses prédécesseurs. Tant et si bien que l'amateur de variété en sera pour ses frais.
Et si The Reaper compte son lot de titres qui ne resteront pas dans les annales, il a pour lui un certain enthousiasme et une fraicheur qui font plaisir à entendre. Composé dans la plus pure tradition mid-tempo, des titres comme "Wedding Day" font toujours du bien par où ils passent, à savoir au fond, là où ça gratte. Dotés pour une fois d'un son de qualité honorable, tous les instruments se font plus percutants. L'album en devient assez difficile à écouter d'une traite, notamment à cause de la prédominance de tires speed, 6 au total, soit quasiment la moitié de la galette! On remerciera donc "Legion Of The Lost (Part II)" (la première partie se trouvant sur Heavy Metal Breakdown) de permettre une aération fort bienvenue, même si le chant clair de Boltendahl n'est à l'évidence toujours pas celui d'un grand ténor d'opéra, malgré une amélioration notable par rapport à quelques carnages passés.
Et finalement, on ne saurait trouver de réels points faibles à l'album, mais on serait également bien en peine de lui trouver des domaines dans lequel il excelle vraiment. The Reaper manque clairement de titres phares pour en faire un chef-d'œuvre et du coup, passée une écoute pourtant assez agréable, on n'en retient finalement pas grand chose. Les compositions se suivent et se ressemblent cruellement, et une certaine constance dans la qualité n'y change rien, puisque le style abordé se veut beaucoup trop classique pour y changer quoi que ce soit. Du coup, l'album s'appréciera plutôt de manière ponctuelle, et les quelques moments sortant un peu du lot gagneront à ne pas être noyés dans cette masse de riffs et de double pédale. "And the Devil Plays Piano" en est un parfait exemple.
On se réjouira tout de même de trouver Grave Digger à un niveau auquel on ne l'attendait pas, fort d'une nouvelle facette épique que l'on ne lui connaissait pas, et qui charment l'oreille à grands coups de chœurs épais et de soli cheveux au vent. Uwe Lulis, seul guitariste à bord (même s'il est parfois doublé voire triplé, pour les besoins de passages en harmonies ou autres), a d'ailleurs tout l'espace nécessaire pour s'exprimer, et c'est tant mieux. Les "Ride On", "Play Your Game (And Kill)" et autres "Ruler Mr. H." en ressortent dotées chacune d'un solo de qualité. Symbole d'un nouveau style pour une nouvelle époque, la future mascotte du groupe fait son apparition sur la pochette, en la personne de la faucheuse.
Bonne surprise donc que ce The Reaper aux allures de déclaration comme quoi on aurait enterré Grave Digger un peu vite. Le dernier titre, "The Madness Continues" sonne d'ailleurs comme un avertissement : le combo ne compte pas s'arrêter là. Et c'est tant mieux, puisque l'on connait aujourd'hui le futur plus radieux auquel le groupe a été promis. En attendant, reste un album que le fan se doit de posséder, pour son aspect fondateur d'une identité qui ne sera plus quittée par la suite.