La trilogie médiévale terminée et Uwe Lullis parti, c’est une page de l’histoire de Grave Digger qui s’est tournée avec Excalibur. Et même si le succès du combo, hormis chez les Teutons, reste tout de même assez relatif, le fossoyeur s’est mine de rien fait un nom et serait presque attendu au tournant avec cet album. Comme pour dire que quelque part, rien n’a changé, celui-ci sera simplement nommé The Grave Digger. Pour la petite histoire, Lullis a essayé de prendre le nom du groupe avec lui en partant mais n’en a finalement pas obtenu le droit. Petite vengeance personnelle donc ? Pourquoi pas…
Mais à vrai dire, ce n’est pas vraiment cela qui nous intéresse. Non, l’information principale, c’est bien évidemment l’arrivée de Manni Schmidt (ex-Rage) au poste de joueur de wah-w… pardon, de guitariste. En effet, Uwe était tout de même responsable d’un bon paquet de riffs mythiques de ce que l’on pourrait appeler l’âge d’or des Allemands, et on se demande comment cette cuvée 2001 va donc bien pouvoir sonner. Et bien force est de reconnaitre que le petit nouveau s’en sort plutôt bien. Celui-ci possède un jeu plus varié que son prédécesseur et apporte une touche plus agressive, notamment par l’utilisation d’harmoniques artificielles. Les riffs sont également un poil plus groovy, en atteste le titre d’ouverture "Son of Evil". Pas de panique néanmoins, point de Pantera ici, on évolue toujours dans le heavy metal de tradition teutonne, transmise de génération en génération. Les refrains sont épais, les chœurs puissants et la double pédale omniprésente. Niveaux soli, les deux guitaristes ont au moins en commun une utilisation systématique de la wah-wah. Mais ceux de Manni sont plus travaillés tout en ne perdant rien en efficacité. Une chance pour lui (et les moyens aidant), la production de cet album est d’ailleurs un modèle de puissance et de clarté, ce qui sert à merveille la musique du fossoyeur.
Exit les concepts-albums médiévaux donc, on se retrouve en présence d’un simple enchainement de titres de heavy metal pur jus, et du bon ! L’album démarre très fort avec l’enchainement des deux tueries que sont "Son of Evil" et le tubesque titre éponyme, bien speed et fédérateur, marque de fabrique de la maison. On est également servi en gros mid-tempos ravageurs, avec la bien lourde "Scythe of Time", "Sacred Fire" ou encore "The House", qui après une introduction calme chantée par un Boltendahl qui arrive a entretenir l’illusion en voix claire, s’ouvre sur un gros riff épique à souhait et des couplets beuglés par le Chris que l’on aime, c’est-à-dire le Chris rauque et râpeux. On se serait bien passé de quelques passages en voix de tête, mais force est de reconnaître que l’homme a fait des progrès de ce côté-là (on pouvait parfois se demander comment il était possible de laisser passer de telles lignes de chant en studio par le passé…). Bref, une vraie réussite que ce titre, variant les ambiances et apportant une aération bienvenue à l’album. Tout ça peut donc repartir de plus belle avec un bon gros "King Pest" des familles. Le groupe nous fait même la blague de la pseudo-ballade avec "Silence". Mais personne n’est dupe et quand la guitare s’électrise enfin, accompagnée par la batterie et le grain caractéristique de Chris, on n’est pas vraiment surpris.
Une très agréable surprise donc que ce The Grave Digger. Le groupe réussit en effet le pari de rester fidèle à son style de prédilection tout en ne tombant pas dans la redite pure, et on finit par se dire que le départ de Uwe n’était pas forcément une mauvaise chose, tout en ayant la larme à l’œil en repensant à ses soli épiques, cheveux au vent, pied sur le retour. Mais la vraie force de cet album, c’est bien de ne proposer aucun moment réellement faible et d’être écoutable de bout en bout sans créer de problème auditif majeur, ce qui pouvait parfois être reproché à certains de ses prédécesseurs. Bref, de beaux jours s’annoncent encore pour Grave Digger, et c’est tant mieux.