Le nouveau Grave Digger, The Clans Will Rise Again, était attendu ! Si, si, je vous assure ! Non seulement il y a eu du changement de personnel, l’arrivée de Axel Ritt ayant créé quelques inquiétudes parmi les fans (le bonhomme étant plus issu de la sphère progressive que du heavy metal traditionnel), mais les bavarois ont également décidé de ressortir leur thème fétiche, l’histoire de l’Ecosse, qui avait fait les beaux jours du groupe avec Tunes Of War. D’ores et déjà, félicitons-nous que cet album n’ait pas été nommé Tunes Of War Part II…
Mais avant de parler du petit dernier, revenons un peu sur les récents évènements apparus dans la vie du groupe. Après un dernier album, Ballads Of A Hangman, sympathique mais pas folichon, Grave Digger s’embarque dans une tournée avec, pour la première fois, un deuxième guitariste en la personne de Thilo Hermann. Celui-ci sera limogé avant même la fin des concerts. Quelques temps plus tard, c’est carrément Manni Schmidt qui s’en va (ou qui se fait virer, au choix). Quand on connait l’importance du guitariste dans la composition et l’exécution de la musique de Grave Digger, on pouvait logiquement s’inquiéter de l’avenir des Allemands. Son remplaçant, Axel Ritt, ayant été apparemment très prolifique à la composition, l’inquiétude a partiellement laissé place à la curiosité. Mais tout ça, c’est oublier que l’on a à faire à un groupe de heavy metal teuton ! Toute considération de l’ordre de l’évolution, du changement de direction artistique ou autres fantaisies est donc à proscrire. "Paid in Blood", chargée d’ouvrir cet album, commence donc sur un gros riff, suivi d’une bonne rythmique à la double pédale des familles. Pas d’inquiétude : on joue toujours à domicile. Pourtant, après un dernier coup d’œil dans le rétroviseur, on se rend compte que Grave Digger peine à convaincre depuis au moins deux albums, si ce n’est quatre pour certains. Pas vraiment de quoi inciter à l’optimisme. Réjouissez-vous : les fossoyeurs ont retrouvé une verve et une efficacité que l’on croyait mise au placard, preuve que le remplacement de Manni Schmidt n’était pas une mauvaise idée, ainsi qu'une grosse énergie : entre "Paid in Blood", "Hammer of the Scots", "Rebels", "Execution" et "Spider", la double pédale a dû bien chauffer.
Axel Ritt semble même apporter une certaine fraicheur aux compositions des Allemands, car on trouve des passages étonnamment évolués sur le plan harmonique, comme la fin du refrain de "Rebels", ou encore les chœurs magnifiques de "Coming Home". Couplés à des gros riffs bien tranchants, ces refrains ou chœurs sont un vrai plaisir à l’écoute. Écosse oblige, la cornemuse est de sortie, justement dans "Coming Home" (qui rappelle la mythique "Rebellion" sur les couplets), mais aussi sur le single très efficace "Highland Farewell", avec un refrain bien joyeux auquel le groupe ne nous avait pas forcément habitué. D’ailleurs, au-delà d’Axel Ritt, c’est tous les musiciens qui semblent se faire plaisir comme rarement sur cet album. Pensez-donc : on a droit à des lignes de basse qui ne se contentent pas de jouer la tonique en croche à longueur de morceau, des breaks de batterie qui sont autre chose que des banales descentes de toms. Grave Digger réussit même à nous feinter avec "Execution", qui dépeint la mise à mort de William Wallace et qui commence comme une ballade sombre, en accord avec l’évènement abordé. Sauf que non, en lieu et place du passage émotion promis, on a droit à un riff bien agressif, servi sur un lit de double pédale délicatement versé par le tout en finesse Stefan Arnold. Un petit coup de synthé est même osé pendant le break instrumental du morceau. Réjouissant ! Grave Digger s’en sort tout aussi bien dans le mid-tempo, avec l’inquiétante "Whom the Gods Love" et son piano lancinant.
Bon, on trouve tout de même une petite pelletée de titres un peu en dessous, ou plutôt moins intéressants, dirons-nous, notamment en début d’album avec les moins marquantes "Paid in Blood" et "Hammer of the Scots", mais même dans les creux de l’album, cela reste plaisant. On verse toutefois dans le carrément dispensable avec la power ballad finale "When Rain Turns to Blood" bien foireuse. Puisqu’on est dans les reproches, notons qu’Axel Ritt, malgré tout le bien qu’il fait aux compositions, est un peu moins flamboyant que ces prédécesseurs dans l’exercice du solo. Celui-ci se contente parfois de répéter des plans sur plusieurs mesures en attendant que ça passe ("Spider"), et ça manque parfois d’un petit peu d’aération capillaire, ainsi que d’équilibre au niveau de la jambe d’appui. Cela dit, on a quand même droit à quelques moments de grâce avec le passage instrumental de "Rebels" ou encore la superbe reprise du thème en harmonie de "Coming Home" en conclusion du solo central. Un petit mot conclusif sur la production de cet album. Même si ce n’est habituellement pas un point de débat chez Grave Digger, celle de Ballads Of A Hangman paraissait un peu décevante. Sur The Clans Will Rise Again, on retrouve une énergie appréciable, notamment des guitares qui ont été laissées un peu baveuses, ce qui donne un côté vivant à l’ensemble (c’est flagrant sur le riff de "Valley of Tears").
Cette dernière cuvée de Grave Digger est donc réjouissante en tous points, ou peu s’en faut ! Les Allemands renouent avec l’efficacité et l’énergie qui pouvait leur faire défaut ces dernières années, grâce à un petit changement de guitariste bienvenu, et s’offrent par la même occasion une seconde (ou troisième) jeunesse qui paraissait bien improbable il n’y a pas si longtemps. Même si Grave Digger reste solidement ancré dans ses nombreuses années de retard musical, cela va de soi.