Genesis en formule trio avait enfin fait ses preuves avec Duke, un excellent album "de transition" entre le vieux format progressif et l'orientation pop-rock. Mais Duke fait figure d'ovni parmi les errements discographiques de la génèse. Disons que c'était 50-50, 50 % prog et 50 % pop. Avec Abacab, cela devient 25 % prog, et après le pourcentage prog disparaîtra pour de bon. On retrouve donc un Genesis en pleine mutation sur Abacab et se cherchant un peu à vrai dire.
Ce ne sont pourtant pas les idées qui manquent sur ce disque mais elles sont exprimées de manière trop maladroite. La seule chanson réellement parfaite, c'est Abacab qui ouvre le disque. Elle est un peu dans la lignée de "Turn It On Again", en plus agressif et les claviers lui donne un coté bien rock. Cette facette rock sera encore davantage développée sur les albums suivants et sur We Can't Dance en particulier. La production met toujours aussi bien en valeur la batterie de Phil Collins ce qui contribue à rendre Abacab très efficace. Mais le reste n'est pas aussi enthousiasmant, c'est un peu le bordel en fait vu qu'Abacab n'est pas un album très homogène. Il manque une ligne directrice clairement définie comme c'était le cas sur Duke et And Then They Were Three...
D'un coté, y'a les singles pop sur lesquels Phil Collins commence à ramener sa fraise à cause de sa carrière solo qui commence à prendre son envol. Et sacrilège, il a même poussé le groupe à engager la section cuivre d'Earth Wind And Fire pour un morceau, preuve que les idées de ses albums solo ont fini par déteindre sur Genesis. La victime est No Reply At All et le résultat est pitoyable. Ce morceau est du même style que la soupe variétoche présente sur And Then They Were Three... donc à oublier bien vite ! Et l'insupportable "Man On The Corner" a été composé par le Philou, on aurait pu le retrouver sur un de ses albums solos également. "Man On The Corner" regroupe tout ce que Phil a fait de pire en fait, et bien malin celui qui discernera une mélodie là-dedans !
D'autres morceaux correspondent davantage à l'éthique progressive de Genesis comme "Me And Sarah Jane", un très beau titre encore épris de la magie d'antan. Dodo aussi sur son intro laisse entrevoir une tuerie dans ce style prog mais en fait ce morceau devient vite groovy et assez étrange, pas désagréable en soit, limite festif, avec des synthés typiquement 80's et une guitare funky. Dodo est bien un de ces morceaux impossible à classer, trop FM pour être prog et inversement. Mais peu importe, ça se laisse écouter sans être transcendant, ça manque quand même de mélodies tout ça.
En parlant de synthés 80's bien pompeux, on touche le fond avec Lurker (qui s'enchaîne à Dodo). Et pire encore quand Genesis nous la joue new wave et moderne sur "Keep It Dark" et "Who Dunnit ?", deux morçeaux qui serviront de point de départ à ce qu'on entendra plus tard sur Invisible Touch. Et enfin, pour clore l'album, deux morceaux écoutables mais qui sonnent terriblement inachevés, du genre écrit à la va-vite : la fausse ballade "Like It Or Not", dans le style de Duke, l'esprit d'aventure en moins, et Another Record.
Verdict : Abacab est le dernier album de Genesis à contenir des restes de prog, Phil Collins prendra le pouvoir dès l'album suivant au détriment de Tony Banks. Abacab vaut le coup pour au moins deux titres ("Abacab" et "Me And Sarah Jane"), le reste étant soit anecdotique ou carrément mauvais.