Jour
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:11 août 2023
L’Alcatraz, l’un des rares festivals à avoir pu se tenir à l’été 2021, a lieu pour une quinzième fois au mitan du mois d’août de l’an de grâce 2023. Fort désormais de quatre scènes depuis l’ajout de l’Helldorado en 2022, le rassemblement courtraisien fait la part de plus en plus belle aux groupes locaux tout en offrant un consistant plateau international. Les têtes d’affiche n’affolent pas toutes le cardio mais il y a suffisamment de quoi se faire plaisir durant ces trois jours dédiés au metal sous (presque) toutes ses formes. Un décorum qui s’enrichit d’année en année, une ambiance de kermesse géante, un site verdoyant et propre - l’organisation ayant enfin arrêté les gobelets jetables - une météo clémente qui fait plaisir après la canicule de l’an passé : comment cela pourrait-il mal se passer ?
ELEINE - 11h20-12h00 - Prison Stage (MFF)
Ayant l’honneur d’ouvrir le festival, Eleine déroule avec conviction et professionnalisme son metal symphonique de bon aloi, sans surprise mais en mettant la pédale douce sur les samples orchestraux, un bon point. Difficile de détacher les yeux de sa chanteuse customisée, Madeleine Liljestam, même si celle-ci se signale avant tout par son aisance vocale et scénique, haranguant sans relâche un parterre matinal et motivé qui avait poireauté un peu plus longtemps que prévu à la pose des bracelets. Les guitares grésillent légèrement et la voix du compositeur-leader-pygmalion Rikard Ekberg se fait difficilement entendre. Qu’importe. Un soleil sans chaleur excessive, une première bière, une prestation sympathique : l’Alcatraz 2023 part sur de bonnes bases.
SERIAL BUTCHER - 12h00-12h40 - Swamp (Shamash)
Quel plaisir de retrouver les Belges en ouverture de la Swamp ! Ayant eu l’occasion de les voir sous forme de trio au Brutal Swamp Fest, c’est ici en formation complète, à quatre, que les Flamands vont se présenter devant un public déjà nombreux. Il ne leur faudra que peu de temps pour convaincre l’assistance à grands coups de titres puissants. Le death classique mais extrêmement maitrisé de la troupe fait son petit effet. L’occasion pour bon nombre de présents de faire connaissance avec Sven, nouveau chanteur qui a remplacé Kurt en début d’année. Il est d’ailleurs très à l’aise et ne semble pas avoir connu de problème d’intégration. Les morceaux s’enchainent avec fluidité, Kenneth à la guitare, montre tout son talent pour offrir des riffs brutaux et quelque peu techniques. La section rythmique est bien en place et c’est sans surprise que lorsque résonnent des œuvres comme "Brute Force Lobotomy", les amateurs soient comblés. Le temps passe vite et déjà le groupe doit quitter la scène sous les applaudissements. Une entrée de qualité, qui laisse augurer d’une suite des plus agréables.
A GOAT AS OUR SHEPHERD - 12h10-12h50 - La Morgue (MFF)
Deuxième de la longue liste de groupes locaux (« locaux » = flamands) invités au festival, A Goat As Our Shepherd inaugure pour cette édition 2023 le chapiteau de La Morgue. Sans album (juste deux EP), sans label et sans beaucoup de charisme non plus, mais avec énergie et savoir-faire, les Anversois déroulent un death metal de bonne tenue déclenchant le premier pogo du weekend. Propre.
WIND ROSE - 12h25-13h10 - Prison Stage (Shamash)
Un détour par la Prison, scène principale et seule en extérieur pour entendre quelques titres de Wind Rose. Que dire ? Le power metal des Italiens est loin de me plaire. Mais ces derniers sauront, les coquins, me laisser en tête le refrain de ce qui semble être leur hit… allez, c’est parti : « I am a dwarf and i’m digging a hole. Diggy diggy Hole, Diggy diggy Hole! ».
ALKERDEEL - 13h10-13h55 - Swamp (MFF)
Appelés à la rescousse pour pallier au pied levé la défection de Gaahls Wyrd (officiellement en raison d’un problème de santé affectant l’un de ses membres), les Belges dégarnis d’Alkerdeel investissent la scène de la Swamp et y déversent une coulée bien dense de sludge blackisant - rien de surprenant de la part des pensionnaires du label Consouling Sounds, bien connus des disciples d’Amenra. Problèmes : contrairement à ce que laissait espérer la balance, le chant est inaudible tandis que la basse virtuose reste en retrait. Et pourtant, les deux musiciens se démènent. Reste un superbe son de guitare crunchy à souhait mais dont la mise en avant excessive, et sans doute involontaire, déséquilibre le spectre sonore. Dommage.
RISE OF THE NORTHSTAR - 13h40-14h25 - Prison Stage (MFF)
On jette une oreille à l’un des deux seuls collectifs français conviés aux réjouissances - la frontière se situe pourtant à moins de dix bornes. Mais foin de chauvinisme mal placé, après tout les Pays-Bas pas très loin non plus n’ont aucun représentant sur le plateau - sacrée perf à l’envers, étant donnée la qualité de la scène batave. Des masques et des costumes (de mangas) japonais, du nu metal avec force injonctions au « jump », des scansions à moitié fausses entre rap et emocore, de l’infra basse, un dynamisme constant : le terrain est balisé, les fans sont conquis d’avance et la conversion des réfractaires ne sera pas pour cette fois, surtout à l’écoute du final "Again And Again" et son refrain répété cent fois (en ressenti - si ça se trouve, c’est plus).
VOMITORY - 14h25-15h10 - Swamp (Shamash)
Revenons aux choses sérieuses avec un groupe dont j’attends énormément. Vomitory. Il faut dire que j’aime bien ce groupe et que leur retour aux affaires a surpris et comblé beaucoup de monde. All Heads Are Gonna Roll est en effet un excellent album. Et pourtant… Rapidement, mon excitation se mue en incompréhension, puis en déception. La faute à un son que je trouve mauvais. L’ensemble des titres semble mixé très bizarrement, à tel point qu’il peut être difficile de reconnaitre certains titres. Ou du moins de pleinement les apprécier. Dommage, car la setlist a de l’allure, entre les nouveaux morceaux et les savoureux "Chaos Fury" ou "Terrorize, Brutalize, Sodomize". Finalement, le death enlevé des Suédois a perdu de sa superbe. Et cette prestation aura généré des regrets et de la frustration. Espérons les revoir dans d’autres conditions, afin de laver cette mauvaise impression.
METAL CHURCH - 15h00-15h50 – Prison Stage (MFF)
Quitte à être à positionné à la Prison, l’unique scène en plein air du festival, autant y rester pour assister au set de Metal Church. Quatre ans jour pour jour après sa précédente apparition, sur la même estrade et à quelques minutes près au même horaire, la formation nord-américaine revient jouer à l’Alcatraz. Le chanteur historique Mike Howe étant tragiquement décédé en 2021, c’est à Marc Lopes que revient la lourde tâche de lui succéder. Le frontman efface rapidement les doutes engendrés par l’écoute de l’album paru au printemps, dont sera interprété un seul extrait, "Pick a God and Prey" - bon choix, c’est le meilleur titre du recueil. Le reste ? Uniquement du vintage premium extrait des trois premiers LP, ce que les banlieusards de Seattle ont fait de mieux à ce jour. On ne boude pas son plaisir d’entendre en ouverture des incunables ressortis des archives, le vicieux "Ton of Bricks", le speed "Battalions" et le renversant "Gods of Wrath" dont le solo d’anthologie est partagé par la paire Vanderhoof - Van Zandt. Le quintet pioche pertinemment dans le répertoire de l’époque Dave Wayne, le hurleur originel dont les lignes incisives correspondent aux aptitudes d’un Lopes appliqué, qui n’en rajoute pas mais envoie du décibel avec générosité. Investissant la scène de manière plus discrète que son prédécesseur, le « petit nouveau » laisse le soin au batteur Stet Howland – un ex-W.A.S.P. - de faire le show tandis que son compère Steve Hunger confirme qu’il touche sa bille à la quatre-cordes. "Badlands" et "Fake Healer", deux des compositions les plus délectables créées jadis par Mike Howe sont maintenues dans la setlist, de même que l’intense ballade "Watch the Children Pray". L’affaire se conclut avec les incontournables "Beyond the Black" et "Metal Church" – du nectar. Un son impeccable, des types à leur affaire et manifestement très contents d’être là, un chanteur qui assure : dissipant toutes les craintes, Metal Church a enchanté son auditoire et, en creux, rendu le plus bel hommage possible à Mike Howe ainsi qu’à Kirk Arrington, le si talentueux batteur des débuts, disparu cette année.
UNLEASHED - 15h50-16h40 - Swamp (Shamash)
La Swamp accueille d’autres Suédois, déjà vus en 2019 au même endroit. Unleashed et son swedeath mélodique aux thématiques viking me fait bonne impression. Si je ne suis pas fan de leurs albums, ce live plaisant, sans être bouleversant, mérite l’attention. Des récents "No Sign Of Life" aux anciens "Into Glory Ride", le quartet balaie une grande partie de sa discographie. Le savoir-faire de quatre membres n’est plus à prouver et c’est donc avec un certain plaisir que je peux écouter ce concert. Et oublier un peu Vomitory.
SVALBARD - 15h55-16h40 - La Morgue (MFF)
Une bonne rasade de postcore mélodique, voilà ce que propose Svalbard sur la seule scène sans fosse à photographes ni cordon de sécurité. La guitariste hurleuse Serena Cherry, six-cordes violette en main, susurre de délicates mélopées entre deux imprécations furieuses avant d’adresser, une fois le point d'orgue atteint, un systématique "thank you very much" à la politesse toute britannique. Le sourire xxl de la chanteuse aux cheveux rouges contredit la trogne d’ours mal léché de son compagnon Liam Phelan, qui s’agite avec une telle ardeur que sa guitare en transpire. Quelques belles accélérations et une ferveur de tous les instants ne sont pas étrangères à l’impression positive ressentie durant le gig du gang de Bristol.
PSYCHLONA - 17h15-18h10 - La Morgue (MFF)
Psychlona, c’est du stoner éveillé à chant clair, un guitariste-chanteur à casquette US ressemblant vaguement à James Hetfield si James Hetfield portait encore des casquettes, un bassiste en chaussettes jouant de son instrument au niveau des tibias, un light show coloré à dominante solaire. Et un son raisonnablement bourdonnant. Un bout du Désert des Mojaves, importé non pas de Joshua Tree, San Bernardino County, California mais par une troupe basée à Bradford, Yorkshire de l’Ouest, Angleterre. Well done, dudes, l’illusion est parfaite.
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IMMOLATION - 18h45-19h45 - Swamp (Shamash)
Toujours sous la tente de la Swamp vient l’un des grands noms de cette affiche. Ceux qui me connaissent savent à quel point j’adule Immolation. C’est donc avec impatience que j’attends de retrouver le groupe, après avoir eu la chance de les voir en 2022 à domicile. Leur retour en Europe a amené de nombreux fans à Courtrai. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on n’est pas déçu par la prestation ô combien réussie des New-Yorkais. Comme d’habitude, le quatuor assène près d’une heure de death sombre et habité. Les classiques "Despondent Souls" ou "
Under the Supreme" seront joués aux côtés de nombreux nouveaux morceaux, issus de la
dernière livraison de la formation. Quant aux très efficaces "
World Agony" et "Harnessing Ruin", ils finiront de convaincre les curieux n’étant pas très au fait de la discographie d’Immolation. Ross Dolan impressionne toujours autant, témoignant que la sympathie et le charisme vont souvent de pair chez les grands frontmen. Rob Vigna est pour sa part toujours aussi habité et délivrera ses riffs torturés avec un plaisir affiché. La section rythmique est au diapason, ce qui fera de ce concert l’un des temps forts de la journée et du festival.
POSSESSED - 20h40-21h40 - Swamp (Shamash)
Un fest n’est pas un long fleuve tranquille. Il faut en effet s’adapter aux changements de dernières minutes, souvent indépendantes de la volonté des organisateurs. Aussi, Frozen Soul n’a pas pu jouer à l’heure prévue et malheureusement, je suis arrivé après leur reprogrammation. Et que dire d’un groupe que je souhaitais ardemment revoir, Gaahls Wyrd qui a tout simplement annulé pour des raisons de santé. Deux déceptions donc. Il faudra se résoudre à attendre le show de Possessed. Impossible de rater ce concert, d’une formation qui figure au panthéon du metal extrême. Mais allez savoir pourquoi, je ne parviens pas à rentrer dans l’univers des Californiens. Alors, je comprends que l’on puisse adorer leur prestation. Le professionnalisme de la troupe est indéniable. Mais il manque un je-ne-sais-quoi pour m’emporter. C'est donc poliment que je regarde défiler les classiques, notamment "
Pentagram" précédé comme il se doit par "The Exorcist" et l’incontournable "Death Metal".
I AM MORBID - 22h30-23h30 - Swamp (Shamash)
«
Choisir c’est renoncer. » Jamais l’adage populaire n’a semblé être aussi adapté que lors de ma découverte du running order. Deux groupes que je souhaitais voir jouent en effet au même moment. Longtemps j’ai hésité, avant de me décider à couper la poire en deux. Direction donc la Swamp pour I Am Morbid. D’aucuns ne voient dans cette formation qu’un cover band, ce que je peux comprendre. J’aurais également souhaité que tout le monde soit ami et que
Morbid Angel soit réuni. Mais la brouille entre Trey Azagthoth et David Vincent est une fois de plus d’actualité. Le frontman a décidé de reprendre avec lui le batteur des Anges Morbides. C’est donc avec curiosité que j’attends Pete Sandoval. Ce dernier, qui avait des problèmes de dos récurrents et était devenu un new born christian, va-t-il être à la hauteur de son statut légendaire ? Même avec un look improbable (des dreadlocks, sérieusement ?) il me faudra vite avouer que le monsieur fait toujours preuve de grand talent. Le groupe décide de rendre hommage à
Covenant, paru il y a trente ans. Quel plaisir d’entendre cet album joué ici dans sa quasi intégralité, agrémenté de morceaux de
Blessed are The Sick et
Altars of Madness ! Outre Sandoval, David Vincent témoigne également d’un état de forme optimal. Les années ont beau passer, ces deux acolytes vont donner une bonne leçon de death metal au public, conquis. Mais il est déjà temps pour moi de partir pour me rendre sous l’Helldorado.
CONVERGE - 22h45-23h45 - Helldorado (Shamash)
Converge. Jamais je n’ai eu le loisir de les voir sur scène. C’est donc pour la deuxième partie de leur show que je me suis déplacé. Pas de regret, l’ensemble est de grande qualité. L'énergie que l’on m’avait vantée n’est pas extrapolée. Jacob Bannon chante avec une hargne peu commune. Ses comparses ne sont pas en reste. Les riffs de Kurt Balou prennent une dimension encore plus grande en live. Ça joue vite et bien et les passages lourds écrasent tout sur leur passage. "
Predatory Glow", "
Cutter" ou encore "
Concubine" qui vient clore le show, font trembler la scène. Nul doute qu’à l’avenir, je tâcherais de voir le groupe pour un concert complet, tant j’ai été impressionné par cette demi-prestation.
DISMEMBER - 00h20-01h30 - Swamp (Shamash)
La journée s’achève par la première partie de Dismember. Pas qu’une fois encore, un chevauchement de l’enfer m’empêche de profiter du concert. Mais la fatigue commence sérieusement à se faire ressentir. Une demi-heure donc pour voir les Suédois en forme, délivrant un death metal typique de leur contrée. Sympathique, sans que je sois totalement conquis. Comme sur album, vu que j’apprécie surtout leur
première offrande en étant moins client de la suite.
Une première journée de qualité vient de s’achever. En route pour le camping pour quelques heures de sommeil, avant de remettre le couvert dès le lendemain matin.